Mélina Boughedir, itinéraire d'une future "revenante"

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Quelques mois après trois de ses enfants, la Française et son plus jeune fils rentreront d'Irak dans les prochains jours. Elle dit regretter d'avoir rejoint Daech en 2015.

Vêtue d'une robe noire et d'une veste grise, coiffée d'un foulard mauve à motifs, Mélina Boughedir entre dans la salle d'audience en tenant dans ses bras son fils, un blondinet habillé d'un blouson rose. Filmées par France 2, les images du tribunal irakien montrent une silhouette frêle. Le procès dure moins de quinze minutes :  la Française de 27 ans est condamnée à sept mois de prison pour "entrée illégale en Irak", une peine couverte par sa détention préventive. Dès que ses documents de sortie seront prêts, elle sera expulsée vers la France, où l'attendent de nouveaux démêlés judiciaires.

Originaire de région parisienne. La France, Mélina Boughedir l'a quittée en 2015. Originaire de région parisienne, la jeune femme réside alors à Nanterre avec son mari, Maximilien. L'homme est bien connu des services de renseignement, rappelle Le Parisien : il vient d'être condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, dans le retentissant procès de Forsane Alizza, un groupe armé appelant au djihad. Selon l'arrêté qui gèle les avoirs de l'organisation, Maximilien est l'un de ses membres "actifs". Le couple a trois enfants.

La famille prend la direction de la Turquie, passe quelques jours en Syrie puis gagne Mossoul, fief de l'organisation État islamique (EI), en octobre 2015. Selon Mélina Boughedir, les cadres de Daech lui prennent alors son passeport, empêchant tout retour en France. Un quatrième enfant naît sur le sol irakien. Toujours d'après la jeune femme, Maximilien est "cuisinier" pour l'EI, Mélina "femme au foyer". Ce "quotidien" durera deux ans.

"Mettre des bracelets aux enfants". Mais au début de l'été 2017, Mossoul est reprise par l'armée irakienne et la coalition internationale. Maximilien meurt dans les combats. Pendant trois semaines, Mélina vit recluse dans un bâtiment préservé des bombardements, raconte RMC. Les proches du couple sont inquiets pour la jeune femme et ses quatre enfants, âgés de cinq mois à six ans. Ils affirment que les deux Français ne soutenaient plus l'idéologie de l'organisation depuis un an, n'aspirant qu'à regagner leur pays. Prévenu, le Quai d'Orsay leur aurait simplement conseillé de "mettre des bracelets aux enfants avec leur nom pour les identifier plus facilement en cas de décès".

Mélina et ses enfants ne sortent pas, de peur d'être pris pour cible par les derniers snipers de l'EI. Ils sont finalement découverts par des soldats de la coalition. Des photos les montrent très amaigris, encore couverts de la poussière qui recouvre la ville. Les trois aînés sont rapatriés et confiés à l'Aide sociale à l'Enfance (ASE) sur le sol français. Le plus petit reste avec sa mère, emprisonnée en Irak.

Une expulsion aux allures de victoire. Sept mois plus tard, la famille va donc être réunie dans les prochains jours. Selon une source proche du dossier, Mélina Boughedir devrait être placée en garde à vue et entendue par les services antiterroristes à son arrivée en France. Cette "expulsion" a des allures de victoires pour ses défenseurs, William Bourdon et Vincent Brengarth, qui réclamaient une "mobilisation sans faille" pour lui éviter la peine de mort, peine encourue en Irak. Elle a été plus chanceuse qu'une djihadiste allemande, une mineure de 17 ans, condamnée dimanche à six ans de prison pour appartenance à l'EI. Une autre avait été condamnée à la peine capitale en janvier, pour "soutien logistique et aide à une organisation terroriste". Dans le cas de la Française, les charges recueillies par les enquêteurs irakiens ont semblé insuffisantes au tribunal.

Pour autant, Mélina Boughedir n'en a pas fini avec la justice. La jeune femme  fait l'objet d'un mandat de recherche, décerné dans le cadre d'une information judiciaire ouverte à Paris en 2016, pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Selon l'agence Associated Press, des éléments attestent en outre de son appartenance à la "police morale" des femmes de Daech, Diwan al-Hisba. "Le groupe État islamique a recruté des femmes pour contrôler les femmes. Et cette police n'est absolument pas tendre", a expliqué sur Europe 1 Matthieu Suc, journaliste et auteur de Femmes de djihadistes.

Selon Me Vincent Brengarth, la ligne de défense de sa cliente n'évolue pas. Celle-ci, qui n'est "pas une djihadiste", "regrette son départ" et dit avoir été "sous l'influence de son compagnon". Devant le tribunal irakien, le président lui a demandé si elle regrettait son engagement auprès de l'organisation djihadiste. "Oui", a-t-elle sobrement répondu en français. Avant de se reprendre en arabe : "Naam".

 

Pas la première "revenante"

Cas emblématique en raison de son appel aux autorités françaises et du rapatriement de ses enfants, Mélina Boughedir n'est pas la première "revenante" à regagner l'Hexagone. Parmi les personnes déjà rentrées en France, 398 étaient mises en examen en octobre 2017 dont 260 placées en détention provisoire. Parmi les 398 mis en examen, 47 étaient mineurs, dont 16 en détention provisoire. Quelques dizaines de Français soupçonnés d'avoir été membres de l'EI se trouvent actuellement dans des camps ou des prisons en Irak et en Syrie avec plusieurs dizaines de mineurs, d'après une source proche du dossier.