Martyre de l'A10 : "C'était inimaginable d'arrêter de travailler sur ce dossier tant qu'il n'était pas résolu"

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Guillaume Biet, édité par Anaïs Huet , modifié à
TÉMOIGNAGE EXCLUSIF - Pendant quatre ans, le colonel Didier Jam a dirigé la Section de recherches d'Orléans, chargée d'enquêter sur la mort de la petite "martyre de l'A10", dont le corps mutilé avec été découvert en 1987.

C'est un brusque rebond qu'a connu l'enquête autour de la mort en 1987 d'une fillette de quatre ans retrouvée au bord de l'autoroute Paris-Tours, surnommée "la martyre de l'A10". 31 ans après les faits, qui avaient ému la France entière, ses parents ont été retrouvés, identifiés, mis en examen et écroués, vous révélait Europe 1 mi-juin.

L'affaire avait été relancée en 2017 après un prélèvement d'ADN d'un des frères de la petite fille dans une autre affaire et qui a permis d'identifier les géniteurs. Pendant trois décennies, les enquêteurs de la Section de recherches d'Orléans ont continué à travailler d'arrache-pied pour découvrir qui avait mutilé le corps de cette enfant, et l'avait abandonné là, emmailloté dans une couverture et jeté dans un fossé. Pendant quatre ans, entre 2008 et 2012, le colonel Didier Jam, particulièrement marqué par cette affaire, a commandé cette section chargée de l'enquête. Sur Europe 1, il livre un témoignage rare.

Entendu sur europe1 :
Comment peut-on faire ça à un enfant ? Je ne me l'explique toujours pas aujourd'hui

"Je n'ai jamais vu de photo aussi choquante". "Ce dossier, c'est LE cold-case de la Section de recherches d'Orléans. Toutes les semaines, on parlait de la 'martyre de l'A10'", indique le colonel Jam au micro d'Europe 1. Particulièrement marqué par les images de cette enfant mutilée, il confie : "Moi, j'ai vu les photos de l'autopsie, j'ai vu les photos de l'enfant quand elle a été retrouvée… Je n'avais jamais vu de photos aussi choquante que celles-là, de toute ma carrière. Nous, enquêteurs, on est des êtres humains, on ne peut être que touchés. On est pères de famille, donc on fait un peu une transposition. Comment peut-on faire ça à un enfant ? Je ne me l'explique toujours pas aujourd'hui".

Une mobilisation exceptionnelle. Pour l'ancien chef de la Section de recherches d'Orléans, le caractère "horrible" du meurtre a "motivé" les enquêteurs à ne rien lâcher dans leur recherche de la vérité. "C'était inimaginable d'arrêter de travailler sur ce dossier tant qu'il n'était pas résolu. Deux gendarmes travaillaient en permanence sur ce dossier. En cas de besoin, ils étaient renforcés par plusieurs personnels", assure-t-il. Cette affaire vieille de trente ans a mobilisé un grand nombre de personnels, dont certains ont fini par quitter la Section pour d'autres missions. "Les sous-officiers enquêteurs peuvent faire 10, 15 voire 20 ans dans la même unité. Donc au sein de cette unité, il y a toujours eu des gens qui ont travaillé sur ce dossier. S'il y en a un qui part, il y a toujours un ancien qui va pouvoir mettre au jus le nouveau qui arrive. La passation se fait naturellement", raconte le colonel Jam.

Entendu sur europe1 :
Je pensais à mes enquêteurs qui devaient être encore plus contents que moi

Resté en contact avec ses anciens enquêteurs. En 2012, comme d'autres, il a fini par quitter ses hommes pour en commander d'autres. Mais le lien avec ceux qui avaient tout mis en oeuvre pour retrouver les bourreaux de la fillette ne s'est jamais rompu. "Quand on quitte une unité, il y a toujours de l'affectif. Bien sûr, je suis resté en contact avec certains enquêteurs", glisse-t-il, avant de confier qu'il avait appris quelques jours avant le reste de la France que les parents avaient été identifiés. "Je le savais officieusement, mais je le gardais évidemment pour moi." 

Fier et soulagé. Alors quand il a su, le colonel Didier Jam a ressenti "de la fierté", mais surtout "du soulagement". C'est aussi à ses hommes qu'il pense tout particulièrement. "Je pensais à mes enquêteurs qui devaient être encore plus contents que moi. Ils ont réussi, en faisant un travail exceptionnel. Je les félicite encore."

Après 33 ans de carrière en gendarmerie - dont 12 ans à l'IRCGN, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie, dont il est directeur adjoint - le colonel Didier Jam part à la retraite vendredi soir.