Une chambre insalubre, à Soissons, louée 200 euros par mois. 1:29
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François Geffrier et Thibauld Mathieu , modifié à
3,8 millions de personnes sont mal-logées en France et 12,1 millions "fragilisées", avec des conséquences parfois désastreuses sur la santé.

Dès qu'on entre dans l'appartement, l'odeur d'humidité est saisissante, presque étouffante. Entre les moisissures et le parquet gondolé, en passant par les placards qui s'effritent quand on les ouvre, Clarisse, 36 ans, n'en peut plus. Comme elle, près de 2,9 millions de personnes vivent dans des conditions très difficiles, dont 2,1 millions ne possèdent pas d'eau courante, de WC intérieurs, de douche, de moyen de chauffage ou de coin cuisine, ou vivent dans un immeuble à la façade très dégradée, selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre.

Sur un bout du mur, elle a posé des couches de bébé pour lutter contre une fuite d'eau. Juste à côté, la douche est bouchée depuis six mois. "Je peux me doucher mais il me faut une bassine. Parfois, je ne me douche pas", raconte-t-elle. "Le plafond est moisi. L'eau entrait aussi dans les ampoules, ça commence à rouiller. On ne peut plus rien mettre là parce que je risque de m'électrocuter, mais en plus c'est humide."

Entendu sur europe1 :
Tous les matins, on est réveillé, parfois à 2h ou 3h du matin, avec le nez pris et un mal de gorge.

Asthme, mal de gorge et saturnisme. Clarisse n'a pas de travail. Dans son appartement de 30m², à Corbeil-Essonnes, au sud de Paris, elle vit du RSA avec sa petite fille de 2 ans. Chaque mois, elle paye un loyer de 530 euros. Et l'état de ce logement pèse sur leur santé au quotidien. "Ça nous attaque le corps. On emmagasine des microbes, on les stocke. Tous les matins, on est réveillé, parfois vers 2h ou 3h du matin, avec le nez pris et un mal de gorge. J'ai vu plus d'une fois ma mère et ma fille malades chez moi. Je peux vous dire que c'est effrayant", confie-t-elle au micro d'Europe 1. Dans ces conditions, les enfants risquent aussi de développer de l'asthme ou d'attraper le saturnisme.

"Des impacts sur la santé, l'emploi et la vie sociale".Les logements indignes comme celui-ci entraînent aussi des problèmes psychiques. C'est ce qu'explique la Fondation Abbé Pierre, avec un risque de s'éloigner du monde extérieur petit à petit, ne serait-ce que par honte de son logement, même quand on y est pour rien. "Le logement n'est pas qu'un problème de logement. Cela a des impacts sur la santé, sur l'emploi, sur la vie sociale. Quand vous vivez dans une cave, vous refusez les invitations que les enfants ont à l'école parce que vous ne pourrez pas les rendre, ces invitations."

Appel à l'action. Autre chiffre marquant du rapport de la fondation Abbé Pierre, le nombre de sans-abri, qui a bondi de 50% entre 2001 et 2012 : 141.500 personnes se retrouvent ainsi à la rue, à l'hôtel, sous un abri de fortune ou en centre d'hébergement, avec, là aussi, des conséquences désastreuses pour la santé. "Pour les personnes à la rue, l'espérance de vie se limite à 49 ans", détaille le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui appelle à plus de volontarisme politique. "A un moment, il faut la même détermination qu'il y a actuellement sur l'état d'urgence, les mêmes moyens, la même mobilisation de l'ensemble de la société pour résoudre le problème des exclusions, des inégalités et lutter contre le problème du mal-logement."

Au total, 15 millions de personnes sont touchées par le mal-logement, qui semble, plus que jamais, être devenu un problème de santé publique.