Loi Travail : nouveau bras de fer sur la manifestation prévue jeudi

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Image d'illustration. © DOMINIQUE FAGET / AFP
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avec AFP , modifié à
Les syndicats et la préfecture de Paris n'arrivent pas à se mettre d'accord : les opposants prévoient toujours une manifestation que les autorités souhaitent éviter.

Comment manifester contre la loi Travail sans revivre les violences qui ont émaillé le défilé jeudi dernier ? Syndicats et préfecture de Paris tentent de trouver la bonne formule depuis quelques jours mais, malgré des gestes de bonne volonté de part et d'autre, ces discussions sont dans l'impasse. Le gouvernement pourrait donc mettre à exécution sa menace d'interdire les rassemblements, un scénario que les syndicats ne jugent "pas envisageable". Ces derniers prévoient toujours de descendre dans la rue jeudi prochain.  

Les syndicats proposent un itinéraire raccourci. La précédente manifestation à peine terminée, les syndicats opposés à la loi Travail (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl et UNL) ont déposé auprès de la préfecture une nouvelle autorisation de manifester pour le jeudi 23 juin. Mais les autorités sont bien moins enclines à l'accepter, depuis que le dernier rassemblement a donné lieu à des violences : le gouvernement a même envisagé d'interdire les manifestations

Les syndicats ont bien pris en compte cette nouvelle donne. Ces derniers ont revu leurs plans et proposé de défiler sur un autre trajet, plus court et davantage balisé afin de limiter les risques de dérapages : entre la place de la Nation et la place Bastille, à Paris. Un itinéraire déjà emprunté par de nombreuses manifestations et qui permet de maintenir l'ordre plus facilement. "Nous avons pris la précaution de faire un parcours court permettant d'assurer la plus grande sécurité possible. On a tenu compte des conditions de sécurité, on a essayé d'éviter les grands magasins, etc.", explique Pascal Joly, secrétaire général de l'Union régionale CGT.

La préfecture propose un rassemblement plutôt qu'un défilé. En face, les autorités compétentes ont elles aussi fait des concessions. Plutôt que d'interdire la manifestation, ce qui aurait été perçu comme une provocation par les syndicats, la préfecture a proposé un plan B : un "rassemblement statique en lieu et place de l'itinéraire déclaré". "Un rassemblement statique permet de mieux encadrer et mieux sécuriser la manifestation et de faire en sorte qu'il y ait moins de dégradations", explique-t-on à la préfecture de police. Or les syndicats contestent cette affirmation. Les sept organisations affirment qu'un rassemblement statique est beaucoup plus dangereux pour la sécurité des manifestants : "c'est dans les lieux d'arrivées des manifestations que les tensions ont été les plus vives", ont-elles souligné.  

Plus tard dans la journée, la préfecture de police a été très claire : la manifestation sera interdite si les syndicats maintiennent leur défilé. "Dans ce contexte de tension et de heurts récurrents (...), le renouvellement à l'identique d'une manifestation itinérante le 23 juin n'apparaît pas envisageable", a prévenu le ministre de l'Intérieur dans une courrier envoyé lundi à la CGT. DE son côté, le syndicat de police Alliance a demandé un "report" de la journée de mobilisation, qu'il s'agisse d'un défilé ou d'un rassemblement statique. 

Une stratégie des petits pas qui n'aboutit pas. Estimant avoir déjà fait des concessions sur le parcours, les syndicats ont appelé lundi soir le ministre de l'Intérieur à "réviser sa position.". Ils maintiennent donc leur appel à manifester jeudi à partir de 14 heures. "Tant que ce n'est pas interdit, c'est autorisé", a commenté Benoît Clément de Solidaires Paris. Les syndicats soulignent en outre qu'ils comptent bien renforcer leur dispositif de sécurité et surveiller leurs propres troupes pour éviter les violences de la semaine dernière.

Sur le fond, en revanche, rien n'a changé. "Tant que nous aurons ce problème avec le texte du gouvernement, et je rappelle qu'il y a un soutien très large de l'opinion publique, et notamment chez les plus jeunes, les journées d'action seront maintenues", a rappelé le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, dimanche sur Europe 1. Un message réitéré mardi après-midi : les syndicats ont déclaré refuser "catégoriquement" le principe d'un rassemblement statique et réfléchissent à des alternatives. 

Quid d'une interdiction bravée par les manifestants ? Dans le pire des scénarios, le gouvernement peut bien interdire la manifestation au nom d'une "menace à l'ordre public", mais cette décision doit être justifiée et proportionnée. Dans la foulée, l'interdiction peut être contestée en justice par les syndicats, par le biais du tribunal administratif dans un premier temps puis par le biais du Conseil d'Etat si cela s'avère nécessaire. Si l'interdiction était maintenue, les personnes qui descendraient quand même dans la rue pourraient alors être interpellées et jugées, risquant sur le papier jusqu'à six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende.

La droite monte au créneau. Le parti Les Républicains, par la voix de son porte-parole, n'a pas tardé à s'emparer du sujet pour dénoncer à la fois les syndicats mobilisés et le gouvernement. "Nous appelons à l'interdiction de la manifestation prévue jeudi", a affirmé Guillaume Larrivé. "Il ne faut pas attendre que le lait soit renversé pour pleurer, ne pas attendre jeudi soir pour constater des débordements, il faut anticiper", a-t-il poursuivi."Je voudrais adresser un carton rouge à M. (Philippe) Martinez (le numéro un de la CGT) et un carton jaune au Premier ministre Manuel Valls, qui ne gère pas comme il le devrait cette situation", a conclu le porte-parole.