L'IGPN va créer un outil pour recenser les violences policières

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C.P.-R. , modifié à
Un outil statistique, lancé par la police des polices, permettra de répertorier les violences de ses fonctionnaires.

C'est une première. La "police des polices" va instaurer un dispositif pour recenser les violences commises par les agents de police eux-mêmes, a révélé Le Monde jeudi. Cette démarche de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) intervient en plein contexte de heurts entre forces de l'ordre et manifestants en marge de la mobilisation contre la loi Travail. "La décision a été prise de créer un outil recensant, par convention, les blessures sérieuses, les blessures graves et les décès de particuliers, survenus à l’occasion ou à la suite de l’exercice des missions de la police nationale", annonce l'IGPN, dans un mail que le quotidien a pu consulter.

Trois types de cas à recenser. Alors, comment va fonctionner cet outil ? Envoyé en interne aux directions centrales de police le 1er avril, le courriel indique que l'outil, qui "vise à établir de la transparence", sera géré par l'IGPN et tenu à jour "en temps réel" par les services de police. Ces derniers devront remplir un formulaire dès que : "ils seront en possession d’une incapacité totale de travail, supérieure ou égale à vingt jours", "à la suite d’une plainte" ou "à la suite de l’ouverture d’une enquête de police".

Les agents devront indiquer les circonstances précises, le contexte et les conséquences sur le particulier blessé voire décédé, indique Le Monde. Des données qui devront pouvoir être communiquées publiquement. Avec cette initiative, la "police des polices" entend "combattre l’idée trop généralement reçue que les blessures sérieuses ou graves, voire les décès, sont synonymes d’illégitimité de l’usage de la force ou des armes". 

La satisfaction des associations. Du côté des associations de défense des droits de l'homme, "c'est vraiment une décision que l'on salue", a réagi auprès d'Europe 1 Aline Daillère, responsable de l'association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Auteure du rapport remarqué "L'ordre et la force", publié le 14 mars dernier, cette juriste souligne que "c'était la première demande que l'ACAT portait". Dans ce rapport à charge, consacré aux violences policières entre 2005 et 2015, l'ONG française pointait "une opacité profonde et un manque de transparence flagrant" liés à l'usage de la force par policiers et gendarmes. 

"Un seuil trop élevé". Toutefois, pour Aline Daillère, "le seuil retenu des vingt jours d'incapacité totale de travail est trop élevé". "On aurait voulu que ce soit à partir du moment où un certificat médical est établi, avec d'un ou deux jours d'ITT", poursuit-elle. L'un des 89 cités dans "L'ordre et la force" par l'association de défense des droits de l'homme, n'a, par exemple, écopé que "de trois jours d'ITT alors qu'il a eu le poignet cassé et le tympan percé", illustre la juriste.

Des cas non recensés ? Quant au jeune lycéen frappé d'un violent coup de poing par un policier, en marge d'une manifestation à Paris, et dont la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux le 24 mars dernier, il a eu le nez cassé et six jours d'ITT. Pas de quoi figurer, donc, dans le tout nouvel outil statistique des "bœufs-carotte". "C'est extrêmement positif, mais il faut aller au bout de la démarche et élargir le seuil", conclut Aline Daillère. Au risque, sinon, que "la majorité des violences policières passe à travers le filet".