Les aveugles se déplacent-ils mieux en ville ?

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Noémi Marois , modifié à
HANDICAP - À l'occasion de la journée mondiale de l'accessibilité, Europe 1 fait un point sur la situation des personnes non ou malvoyantes en milieu urbain. 

Une amélioration, certes, mais trop lente. Voilà le constat des aveugles de France en cette journée mondiale de l'accessibilité. Alors que leur Fédération organise jeudi une journée de sensibilisation à Brest, le constat est amer. S'il y a des améliorations relevées dans les espaces publics, certains projets d'aménagements se font encore sans que les associations d'handicapés soient consultées. La loi est pourtant claire en obligeant à adapter la voirie au besoins des deux millions de personnes qui, en France, sont déficients visuels. Et ce chiffre devrait être plus important à l'avenir avec le vieillissement de la population.

Que dit la loi ? Deux lois concernent l'accessibilité des aveugles dans les espaces publics en France. La plus importante est sans contexte la loi Accessibilité de 2005. Elle oblige les établissements recevant du public (commerces compris) et les transports à pouvoir accueillir les personnes à mobilité réduite d'ici 2015, sous peine d'amende. Or, en 2014, le gouvernement a décidé de laisser un délai supplémentaire pouvant courir jusqu'en 2024. 

Un arrêté du 15 janvier 2007 est ensuite venu préciser quelques points techniques afin de faciliter le déplacement des déficients visuels. Les passages piétons doivent ainsi bénéficier de plans inclinés et de bande en relief (nommée bande "d'éveil à la vigilance") au niveau du trottoir. Les feux de circulation doivent aussi être pourvus de "dispositifs sonores ou tactiles". 

Bornes sonores et bande d'éveil de vigilance. Contacté par Europe 1, Thierry Jammes, vice-président de la Fédération des aveugles de France, reconnaît une "évolution constante" "Aujourd'hui, tous les transports en communs font des annonces sonores des arrêts et les bandes d'éveil à la vigilance au niveau des passages piétons se généralisent", rapporte-t-il. Les nez de marches d'escaliers de couleur contrastée ou encore les ascenseurs sonores qui annoncent les étages se sont aussi répandus.  "Les feux sonores et les bornes informatives devant les mairies ou dans les gares SNCF marchent bien aussi", ajoute-t-il. 

Un quart des feux rouges équipés. Ainsi, sur les 450.000 feux de circulation en France, 100.000 sont équipés, selon les chiffres fournis par EO Guidage, un des leaders français de l'équipement pour l'accessibilité. Et aujourd'hui, 80% des feux sortant des usines sont équipés, toujours selon l'entreprise, qui a aussi clairement augmenté ses ventes de bandes, même si les délais rallongés pour se mettre en conformité ont mis un petit coup d'arrêt à ses commandes. 

Une bande d'éveil à la vigilance au niveau de ce passage piéton parisien :

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© FRED DUFOUR / AFP

"80% des villes non accessibles". Mais ces aménagements se mettent en place beaucoup trop lentement, estime Thierry Jammes qui avance le chiffre, invérifiable, de "80% de villes non accessibles en France". Et de préciser que le problème vient surtout des nouveaux aménagements. "Concernant les espaces ou immeubles anciens, on comprend que rien ne change mais lorsque un projet est lancé dans une ville et que les besoins des non et malvoyants ne sont pas pris en compte, ce n'est pas normal", explique-t-il. Et il rapporte l'exemple du tramway de Brest, construit il y a trois ans seulement, où l'absence d'équipements adéquats met les aveugles en danger, selon lui.

Trottoirs et centres commerciaux, les angles morts de l'accessibilité ? Le principal point noir dans le déplacement des aveugles, selon leur Fédération, se situe sur les trottoirs. "Lorsqu'ils sont couplés avec des pistes cyclables et que le marquage au sol n'est pas en relief, le mal ou non voyant ne peut deviner tout seul qu'il peut croiser des vélos". Avec des accidents à la clef. Sans parler des voitures ou des deux-roues qui se garent sur les trottoirs et qui peuvent surprendre l'aveugle dans son avancée. 

Mais Thierry Jammes distribue aussi un mauvais point aux centres commerciaux : "allez à Beaugrenelle, à Paris, qui a rouvert en 2014. Il n'y a rien pour les déficients visuels, alors qu'une bande au sol suffirait à les guider jusqu'à l'accueil". 

À Paris, "1.200 km de voies" à gérer. Contacté par Europe 1, la mairie de Paris a surtout cherché à mettre en avant ces projets. C'est ainsi que le cabinet de Bernard Jomier, adjoint à la Santé et au Handicap évoque le prochain réaménagement de la place de la Bastille et du quartier des Batignolles qui seront conforme à la loi ou encore la création dans chaque arrondissement de Comité local du handicap (CLH) afin de favoriser "la concertation" entre associations et élus. 

Alors que la Fédération des aveugles de France avance que sur les 12.000 feux sonores de la capitale, 9.000 sont en panne, la mairie de Paris, qui rappelle par ailleurs, qu'elle a 1.200 kilomètres de voies à gérer, se défend : "nous avons des contrats de maintenance pour la réparation des feux qui, certes, ne se fait pas toujours immédiatement". "Il suffit qu'un aveugle constate que le feux sonore près de chez lui ne fonctionne pas un jour pour qu'il le fasse remonter à son association", alors que le feux peut être réparé une semaine après. 

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