"Le lundi, j'allais voir les prostituées"

Des prostituées rue Saint-Denis.
Des prostituées rue Saint-Denis. © AFP
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AW avec Ève Roger, chef du service société d'Europe1 , modifié à
Alors que l'Assemblée nationale a une nouvelle fois voté vendredi en faveur de la pénalisation des clients de prostituées, un client repenti témoigne.
TÉMOIGNAGE

Pénaliser les clients de prostituées en leur faisant payer une amende de 1.500 euros ? L'Assemblée nationale a de nouveau voté pour vendredi en adoptant, en deuxième lecture, la proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution. Le texte qui doit à présent repartir au Sénat supprime aussi le délit de racolage passif. A cette occasion, Europe 1 a rencontré Jean-Marie Blanchard*, un ancien client de prostituées devenu favorable à l'abolition de la prostitution. Il raconte sa prise de conscience de la condition de celles que l'on appelle parfois les "filles de joie".

"Réduites en esclavage". Jean-Marie Blanchard évoque sans détours son passé de client : "à l'époque, j'étais manutentionnaire. Je collais des étiquettes toute la journée. Le lundi, c'était relâche et j'allais voir les prostituées rue Saint Denis", a-t-il confié au micro d'Europe 1. Il n'a pas fréquenté longtemps les filles des rues à cause de ce qu'il a vu : "c'était extrêmement sordide. Il y a une espèce de concurrence sur le trottoir, une agressivité qui suinte". Il dit aussi avoir été choqué par les tarifs très bas, "un signe qu'elles sont réduites en esclavage".

Les escortes ? Pas mieux. Refroidi par les conditions de vie des prostituées "classiques", Jean-Marie Blanchard sollicita alors des escortes sur Internet : "je m'attendais à ce que cela soit très différent, avec des femmes libres", explique-t-il. Son expérience lui prouvera vite le contraire : "c'était exactement la même chose sauf que certaines feignaient la complicité voire le désir ou le plaisir… de la pure comédie", analyse-t-il. En côtoyant ces femmes, il finit par avoir une prise de conscience : "je me suis rendu compte que c'était une activité problématique. "Vieillissement prématuré, traces d'automutilation ou de piqûres pour certaines, signes d'alcoolisme… je voyais bien que ce n'était pas bon pour leur santé", raconte-t-il.

Quel choix ? Désormais abolitionniste, Jean-Marie Blanchard ne croit pas à une quelconque liberté de se prostituer : "est-ce que l'on peut parler de libre choix lorsque l'on est acculée par les huissiers de justice, lorsque l'on doit faire face à l'urgence du quotidien ? Non", affirme-t-il, avec conviction.

*Un témoignage à retrouver en longueur dans "Elles. Les prostituées et nous" de Sophie Bouillon aux éditions Premier Parallèle.

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>> Sophie Bouillon dans le 28 Minutes d'Arte :