Le docteur Castaing, médecin empoisonneur à l'acétate de morphine : "C'est un précurseur"

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, le professeur d’histoire contemporaine Frédéric Chauvaud revient sur l'affaire Edmé Samuel Castaing, un médecin soupçonné d'avoir empoisonné deux frères pour récupérer leur héritage.

L'Histoire du crime est jalonnée d’empoisonnements célèbres. Mais certains se distinguent tout particulièrement. En 1823, un docteur, Edmé Samuel Castaing, est soupçonné d'avoir empoisonné deux frères pour récupérer leur héritage. Il niera jusqu'au bout, mais sera malgré tout exécuté en décembre 1823. Chez Christophe Hondelatte lundi, le professeur d’histoire contemporaine Frédéric Chauvaud, également directeur de la série Justice et déviance, revient sur cette affaire.

Une histoire d'héritage. Le 1er juin 1823, un fils de bonne famille, Auguste Ballet, 24 ans, meurt dans son lit, dans la chambre d’une auberge, à Saint-Cloud, près de Paris, alors qu’il s'y trouvait en compagnie d'un ami médecin. Dans la nuit, il a été pris de vomissements et de coliques avant de finalement décéder le lendemain, à midi. L'affaire arrive aux oreilles des autorités de l'époque, par l'intermédiaire des médecins appelés au chevet du malade. Ils ont trouvé l'attitude de son ami étrange.

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Plus étrange encore, le frère d'Auguste Ballet, Hippolyte, est mort il y a sept mois, à l'âge de 24 ans. Et à l'époque, le même ami médecin, Edmé Samuel Castaing, était présent les dernière heures avant la mort. Les policiers sont convaincus de la culpabilité de ce jeune homme, 27 ans. Et lorsqu'il découvre que les frères Ballet étaient très riches et que leur fortune revient à un hérité, en la personne d'Edmé Samuel Castaing, le mobile semble tout trouver.

Chez le médecin, lors de la perquisition, on trouve un véritable laboratoire. Edmé Samuel Castaing a mené des centaines d'expériences à la recherche, semble-t-il, d'un poison qui ne laisse pas de traces : l'acétone de morphine, un poison végétal qui vient du pavot. "C'est un précurseur, car c’est tout à fait nouveau à l'époque. On est capable d'isoler l'acétone de morphine depuis 1804 seulement. Donc pour être capable de le maîtriser, il faut être au fait des différents poisons et c’est faire preuve d’une spécialité rare", indique le professeur Frédéric Chauvaud.

"À l’époque, la preuve royale est l’aveu". Et c'est d'ailleurs tout ce qu'auront les policiers : un mobile (l'argent) et un faisceau de concordances. Edmé Samuel Castaing nie - il le fera jusqu'au bout - et l'autopsie du corps d'Auguste Ballet ne donne rien de concluant. Le cadavre est montré à dix médecins qui affirment tous que la victime est morte d'une congestion cérébrale. Sauf qu'elle pourrait tout aussi bien provenir d'un poison, que d'une maladie. Au total, 90 témoins sont auditionnés, sans grande réussite.

"À l’époque, la preuve royale est l’aveu. La deuxième preuve royale est la preuve par témoin. (...) Comme il n’y a pas grand-chose, il reste le mobile, et celui-ci reste plausible", souligne le professeur Frédéric Chauvaud. "En 1823, on n’est pas capable de déceler la quantité de poison et la nature d’un poison contenu par l’enveloppe charnelle. On ne le saura qu’à partir de 1840", explique le spécialiste.

Le procès d'Edmé Samuel Castaing débute en novembre 1823. "Pour les jurés, qui sont exclusivement des hommes, la plupart des boutiquiers et des commerçants, l’argent comme mobile semble tout à fait naturel", commente l'historien. Le médecin est finalement exécuté le 6 décembre de la même année, quelque semaines seulement après sa condamnation pour l’empoisonnement Auguste Ballet.