Le Conseil d'Etat va-t-il confirmer le fichage des supporters du PSG ?

Des supporters du PSG en avril 2015 lors d'un match contre l'OM au Vélodrome, à Marseille.
Des supporters du PSG en avril 2015 lors d'un match contre l'OM au Vélodrome, à Marseille. © AFP
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Chloé Pilorget-Rezzouk
La plus haute juridiction administrative examinera mardi le recours d’associations contre le fichage des supporters du club de la capitale.

Tous les supporters du PSG seront-ils dorénavant susceptibles d’être fichés en toute légalité ? C’est la question sur laquelle se penche le Conseil d’Etat, mardi, en examinant le recours déposé par l’Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters (Adajis) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) contre la régularisation du fichier "Stade", en avril dernier, par un arrêté du ministère de l’Intérieur, composé de 11 articles.

Ce fichier, destiné à "prévenir les troubles à l'ordre public, les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ainsi que les infractions susceptibles d'être commises à l'occasion" des manifestations sportives parisiennes, en particulier des matches de foot du PSG, ne cesse de soulever les critiques d’associations de défense des libertés individuelles.

Des données accessibles à tous les clubs sportifs. Le 29 avril dernier, la LDH, dénonçant un "fichage généralisé" confondant "suspect de terrorisme et supporters sportifs", a déposé un recours en "référé-suspension" auprès du Conseil d’Etat en vue d’obtenir la suspension de cet arrêté autorisant un fichage en réalité déjà à l'oeuvre. Le président de la LDH, Pierre Tartakowsky, a fustigé dans Mediapart, "un abandon de pouvoirs régaliens à des personnes de droit privé". L’association pointe notamment le fait que l’utilisation de ces données pourra se faire "au profit de personnes de droit privé que sont les fédérations sportives agréées", les associations et sociétés sportives, tels les clubs de football, comme l’indique l’article 5 du texte signé par Bernard Cazeneuve.

Une collecte massive d’éléments... D’autant que les informations pouvant être collectées sont nombreuses et très larges. Outre l'état civil ou les signes physiques particuliers des fans du club de football, les activités publiques, l'immatriculation des véhicules, les blogs et réseaux sociaux du moindre supporter dans le collimateur pourront être enregistrés comme le stipule l’article 2 de l’arrêté. Les policiers habilités pourront également avoir accès au casier judiciaire et à d'autres fichiers nationaux comme celui des personnes recherchées. Ces données personnelles seront conservées pendant cinq ans pour les majeurs et trois ans pour les mineurs.

... Pour un fichage jugé trop vaste. Dans son communiqué, la Ligue des droits de l'Homme dénonce un fichage trop large, trop flou, soulignant que "quiconque se rendant au stade, sa famille, la voiture qui le transporte, etc. tombe sous le coup de ce fichage et devient, aux yeux du ministère de l’Intérieur, un suspect potentiel". D’après le texte, à partir de 13 ans, toute "personne se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel" est susceptible d’être fichée. Même les proches des supporters listés pourront faire l’objet de récoltes d’informations. Mais comment définir précisément "la qualité de supporter" s’interrogent les associations ?

En décembre 2014, la Commission nationale de l'informatique et des libertés soulignait de son côté cette difficulté, dans sa délibération sur le fichier "Stade", précisant également que ce type de fichier doit être validé par décret du Conseil d'Etat et non uniquement par un arrêté, rapporte Mediapart.

Un fichier existant à la préfecture depuis plus de deux ans. Après la publication de l’arrêté au Journal Officiel, le 23 avril dernier, l'autorité indépendante a précisé auprès du Monde : "C’est une régularisation puisque le fichier n’avait pas d’existence légale, alors qu’il existait". Car dans les faits, la préfecture de police de Paris tenait cette liste au moins depuis janvier 2013 sans pour autant l'avoir signalé à l'organisme. C’est la Cnil qui a constaté elle-même l'existence de ce fichier lors d’un contrôle effectué en 2012, suite à des plaintes de supporters empêchés d'accéder au stade sans l’être pourtant par décision judiciaire ou administrative. 

Un arrêté consolidant la liste noire déjà établie par le PSG ? Par ailleurs, pour les détracteurs, cet arrêté vient valider une pratique clandestine et hors la loi du PSG, déjà pointée du doigt par la Cnil. Depuis plusieurs années déjà, le club parisien blackliste en effet certains supporters qu’il ne désire pas voir à ses matchs, même s'ils ne font pas l'objet d'une interdiction administrative ou judiciaire de stade. En janvier 2014, le club de la capitale s’était attiré les foudres de la commission pour avoir créé ce fichier répertoriant plus de 2.000 personnes considérées comme ayant un comportement non conforme aux "valeurs" du club. La Cnil avait alors débouté le PSG dans sa demande d'autorisation de constituer cette liste noire.