Laïcité : la loi "Baby-loup" vidée de sa substance ?

Des femmes musulmane portant le voile dans les rues de Paris.
Des femmes musulmane portant le voile dans les rues de Paris. © MIGUEL MEDINA / AFP
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avec AFP , modifié à
La proposition de loi sur la neutralité religieuse dans les crèches privées, dite "Baby-Loup", devrait être vidée de tout contenu polémique mercredi à l'Assemblée.

Elle a été surnommée la loi "Baby-Loup", en référence à la longue bataille juridique opposant la crèche à une ex-salariée licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile. La proposition de loi, visant à imposer une "neutralité en matière religieuse" pour les employés des crèches et des centres de loisirs et de vacances privés, bénéficiant de subventions publiques, est débattue mercredi à l’Assemblée nationale. Mais ce texte devrait être vidé de tout contenu polémique, notamment celui interdisant aux employés de centres de loisirs ou de centres sociaux de porter des signes religieux ostentatoires.

Faire une loi de l’affaire Baby-Loup. Ce texte porté par le Parti radical de gauche (PRG) a pour objectif de trancher définitivement par la loi la question de la laïcité au sein des organismes privés accueillant des mineurs. Une situation sur laquelle la jurisprudence est déjà établie, après l'affaire de la crèche privée Baby-Loup, qui s’était conclue par la validation du licenciement d’une salariée voilée.

Un texte qui revient dans un contexte tendu. Déjà adoptée au Sénat début 2012, la proposition aurait pu passer inaperçue trois ans plus tard. Mais les attentats de janvier ont électrisé le débat sur la place de l'expression des convictions religieuses dans la société. Si bien qu’en mars, à l'approche de sa discussion en séance à l'Assemblée, la proposition a été vertement critiquée dans les milieux religieux et par certains laïcs.

Le porte-parole des évêques de France, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, s'est insurgé contre une extension de la neutralité religieuse à l'espace public qui "n'est pas du tout dans l'esprit de la loi de 1905". "J'y vois un énorme danger pour la cohésion même du pays", avait souligné pour sa part Jean-Louis-Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre.

Neutralité pour les crèches chargées d'une mission de service public. Flairant un dossier piégé, les députés socialistes ont d'abord obtenu de leurs collègues PRG de repousser le débat du texte en mai, après les élections départementales. Puis, la semaine dernière, le rapporteur du texte Alain Tourret (PS) a accepté, lors d'une réunion avec des représentants du groupe socialiste et du ministère de l'Intérieur, de proposer en séance mercredi la suppression des points les plus contestés.

Le texte devrait donc imposer "une obligation de neutralité en matière religieuse" seulement aux crèches privées "chargées d'une mission de service public", par exemple par une collectivité locale. En revanche, les crèches purement privées, même si elles reçoivent des financements publics, ne seront donc pas tenues à cette obligation, ainsi qu'en ont convenu la semaine dernière radicaux de gauche et socialistes.

Elles auront simplement la possibilité d'interdire à leurs salariés d'afficher leur religion, dans la foulée de la jurisprudence sur la crèche Baby-Loup. C’est-à-dire que ces crèches pourront prévoir dans leur règlement intérieur "certaines restrictions à la liberté d'expression religieuse de leurs salariés au contact d'enfants". Une disposition du texte, qui fait, cette fois, relativement consensus.