L'affaire Cadiou : un mystère qui sent la poudre

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, la journaliste Lénaïc Gravis revient sur la mort de Louis Cadiou en 1913, un directeur d'usine de poudre de Landerneau.

Mais qui a tué Louis Cadiou ? Plus de cent après, la mort de ce directeur d'usine de Landerneau, en Bretagne, reste une énigme. Chez Christophe Hondelatte lundi, Lénaïc Gravis, journaliste et co-auteure du livre Les grandes affaires criminelles de Bretagne revient sur cette affaire.

 

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Direction Landerneau, dans le Finistère et l'usine de la Grand' Palud, en décembre 1913. Louis Cadiou, son directeur, doit revenir à Paris pour le 31, mais le jour J, il n'est pas là. Sa femme s'inquiète. Deux jours après, elle s'alarme auprès du député de Morlaix. Des inspecteurs de la sûreté débarquent dans la ville de l'ouest de la France et tentent de savoir qui a aperçu Louis Cadiou pour la dernière fois. Il s'agit de sa bonne, le 30 au matin.

Une somnambule pour solution. Les jours passent et toujours aucune trace de Louis Cadiou. Sur conseil de sa cousine, la femme du directeur de l'entreprise va alors faire appel à une "somnambule" (voyante de l'époque), qui habite à Nancy. Cette dernière se fait très précise et confie que Louis Cadiou est mort, son corps est enterré près de l'usine, sous une fine couche de terre. Et incroyable, on retrouve le cadavre exactement comme la somnambule l'avait détaillé. "Elle arrive avec la solution de l'affaire : ce cadavre qu'on cherche depuis un mois", raconte la journaliste Lénaïc Gravis, "comme si on lui avait décrit où était le cadavre et elle donne également des informations sur les assassins présumés, au nombre de deux."

Cette découverte du corps et l'intervention de la voyante restent, à coup sûr, ce qui fait le sel de cette affaire. "Il faut une somnambule de Nancy, pour qu'on découvre le corps d'un directeur d'usine de Bretagne, alors que les forces de l'ordre qui se penchent sur cette affaire sont incroyablement nombreuses", rappelle la journaliste.

"Le juge d'instruction n'a qu'une seule piste en tête". Mais pour le juge d’instruction, il n'y a qu'un meurtrier : Louis Pierre, le directeur technique de l'usine. L'homme de lois se base sur les dires de deux témoins qui disent avoir vu Louis Pierre, le 30 décembre avant midi, en compagnie de Louis Cadiou. Lors de la perquisition chez l'ingénieur, on découvre dans sa poubelle une lettre de dénonciation. Louis Pierre estimait que son patron était vendu aux Allemands. Mais cela est-il suffisant comme mobile ? Non, surtout que Louis Pierre ne touche aucun bénéfice financier après la mort de son patron, c'est sa veuve qui hérite de tout. "Le juge d'instruction n'a qu'une seule piste en tête", constate Lénaïc Gravis, "il ne va absolument pas creuser cette histoire de liens avec les Allemands."

Autre problème dans le dossier : la mort de Louis Cadiou a mal été analysée par le premier médecin légiste. Le chef d'entreprise n'a pas été égorgé, comme les premières constatations l'établissaient. En réalité, le directeur de la Grand' Palud a été abattu, à bout portant, avec un revolver. "Le premier médecin a procédé à l’autopsie avec un sécateur ! On imagine une boucherie sans nom", souligne Lénaïc Gravis. Un tournant dans l'affaire selon elle. "On est passé à côté de quelque chose de décisif : c'est cette balle qui a tué Cadiou et on l'a égorgé, sans doute, pour maquiller cette façon de procéder", affirme-t-elle.

Absence de mobile et de preuve.  Nous sommes en 1914 et la Seconde Guerre mondiale éclate. Louis Pierre, plus que suspect aux yeux de la justice, ne se fait donc pas prier : il s'engage dans l'armée, direction le front. Il sera mobilisé pendant tout le conflit et pense, à l'issue de la guerre, que tout est fini. Mais le juge d'instruction, lui, ne l'a pas oublié. Le 23 septembre 1919, Louis Pierre reçoit une convocation : son procès aux assises aura lieu le 26 octobre prochain.

Pendant tout le procès, l'absence de preuves contre Louis Pierre saute aux yeux, tout comme l'absence de mobile. Ce qui n'empêche pas l'avocat général, dans son réquisitoire, de charger l'accusé. Finalement, les jurés acquittent totalement Louis Pierre. On n'a jamais su qui avait tué Louis Cadiou.