La santé et l’éducation au cœur de la révolte guyanaise

Guyane
© JODY AMIET / AFP
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L’Etat a annoncé un plan d’un milliard d’euros pour sortir de la crise guyanaise. Insuffisant, selon les manifestants. 

Le Premier ministre Bernard Cazeneuve a convoqué une réunion de crise lundi à Matignon, pour tenter de répondre à la mobilisation en Guyane. Celle-ci s’est durcie ce weekend après l'échec des négociations pour trouver une issue au mouvement social qui bloque depuis deux semaines le département d'outre-mer. Le collectif de Guyanais à l’origine du mouvement demande notamment un effort de 2,5 milliards d’euros, soit 1,5 milliard de plus que ce que réclame le gouvernement. "Toutes les questions sectorielles (agriculture, mines, etc) ont trouvé une issue", assurait dimanche Gauthier Horth, entrepreneur membre de la délégation. "Mais dès qu'on touche aux questions transversales, comme la santé ou l'éducation, ça bloque", expliquait-il. Quelles sont les revendications des manifestants sur ces sujets ? Eléments de réponse.

SUR LA SANTE

Le constat. C’est l’un des sujets majeurs au cœur des revendications : les inégalités entre l’outre-Mer et l’Hexagone sur les questions de santé. En France hexagonale, les habitants sont par exemple à 15 minutes en moyenne d’un centre hospitalier. Mais en Guyane, il y a une très forte disparité selon les régions. Certes, les habitants du littoral ne sont "qu'à" 16 minutes en moyenne d'un centre hospitalier. Mais à l’intérieur des terres, selon l’Insee, ce temps de trajet peut monter jusqu’à 3h30 pour accéder à un service d’urgence, contre 40 minutes pour les territoires ou ce temps de trajet et le plus long dans l’Hexagone (le Gers et les Alpes-de-Haute-Provence). "Les communes de l’intérieur n’ont comme seul recours que l’hélicoptère pour les urgences ou des moyens mixtes comme la pirogue et l’avion ou la pirogue et la route pour les soins programmés. Dans cette situation, leur accès aux différentes spécialités présentes sur le territoire est compliqué", analyse l’Insee sur son site.

La Guyane est par ailleurs reconnue comme le plus grand désert médical de France. Selon la Statiss (Statistiques et indicateurs de la santé et du social), le territoire compterait 55 médecins généralistes pour 100.000 habitants en Guyane, contre 104 en moyenne pour la métropole. Pour les spécialistes, on passe à 27 médecins pour 100.000 habitants, contre 94 en métropole. "Les densités médicales et paramédicales sont très faibles comparativement à celles de la métropole, phénomène risquant encore de s’aggraver dans la mesure où un tiers des médecins ont plus de 60 ans", ajoute l’Agence régionale de Santé, dans un rapport en date de 2015.

Pourquoi les propositions du gouvernement déçoivent. En réaction, le gouvernement a annoncé le déblocage de 85 millions d'euros pour le système de santé guyanais (dont 60 attribués à l'hôpital de Cayenne) ainsi que l’abandon du projet de privatisation du centre médico-chirurgical de Kourou.

Mais ces montants ont été jugés inférieurs aux attentes des manifestants. Ces derniers réclamaient, par exemple, 30 millions pour le Centre hospitalier de l'Ouest guyanais, qui en recevra 25. Quant à l’hôpital de Cayenne, ils estiment que le paiement de la dette nécessiterait à lui seul 39 millions d’euros, alors que l’Etat ne prévoit que 20 millions de son enveloppe pour payer les fournisseurs de l’hôpital.

En outre, le plan est étalé sur cinq ans et les protestataires estiment ne pas avoir suffisamment de garanties pour sa mise en œuvre. Au-delà de l’hôpital, les manifestants réclament également des mesures pour palier "un maillage insuffisant en termes de soins sur l'ensemble du département". En clair, ils demandent des mesures pour lutter contre les déserts médicaux, encore plus profonds en Guyane que sur le reste de l’Hexagone, où l’exécutif est pourtant déjà à la peine pour résoudre le problème.

SUR L’EDUCATION

Le constat. En Guyane, 54% des jeunes sortent du système scolaire sans diplôme contre 18% en France entière. Selon la FSU, premier syndicat de l’enseignement, il y aurait également "deux fois moins d’adultes pour encadrer les élèves que dans les autres académies". Selon l’Insee, l’Etat dépense environ 5.800 euros par élèves en Guyane, contre 7.700 au niveau national. Le département souffre aussi d’une pénurie d’établissements : avec 164 établissements scolaires, la Guyane est deux fois moins pourvue que la Corse, qui a pourtant un nombre d’élèves légèrement inférieur.

Pourquoi les propositions du gouvernement déçoivent. En réaction, l’Etat a annoncé le déblocage de 250 millions d’euros sur cinq ans pour le secondaire, notamment pour construire de nouveaux établissements, ainsi que 10 à 15 millions pour l’école primaire. Mais les grévistes, qui demandent la construction de cinq lycées, dix collèges et 500 classes de primaire, estiment que les propositions du gouvernement ne sont pas assez précises, et surtout non financées.

Par ailleurs, les manifestants demandent à ce que les manuels scolaires prennent davantage en compte les spécificités régionales. Aujourd’hui, les manuels sont les mêmes que dans l’Hexagone. Or, la Guyane n’est quasiment jamais mentionnée en géographie ou en sciences et vie de la terre par exemple. Le gouvernement n’a, pour l’heure, émis aucune proposition sur ce sujet.