La Cour de cassation va-t-elle passer sous le contrôle du gouvernement ?

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Le premier président de la Cour Bertrand Louvel (à gauche) et le procureur général Jean-Claude Marin. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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Alain Acco , modifié à
La Cour de cassation a exprimé mercredi son inquiétude face à une réforme judiciaire qui, selon elle, la place "sous le contrôle direct" du gouvernement.

Voilà peut-être la première crise à gérer pour le nouveau chef du gouvernement, Bernard Cazeneuve. Deux mois après avoir vivement critiqué les propos de Francois Hollande sur la "lâcheté des magistrats" – propos cités dans le livre Un président ne devrait pas dire ça – les deux plus hauts magistrats de France ont écrit au Premier ministre pour exprimer leurs inquiétudes et dénoncer une réforme qui, selon eux, place la Cour de cassation "sous le contrôle direct" du gouvernement". Explications.

Ce que le décret va changer. Un décret publié lundi au Journal officiel, annonce la création d'une nouvelle "Inspection générale de la justice". Les magistrats ont découvert avec stupéfaction que cette Inspection pourrait contrôler le fonctionnement de toutes les juridictions. Jusqu'à présent, seules celles "du premier et du second degrés", en clair les tribunaux de grande instance et les cours d'appel pouvaient être contrôlés par cet organe. Avec le nouveau décret, la Cour de cassation entre également dans le champ de contrôle de l'Inspection générale de la justice.

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Un auto-contrôle remis en cause. Pour bien comprendre la colère des magistrats, il est important de rappeler que la Cour de cassation est la plus haute juridiction judiciaire en France. La plus importante et donc… la plus sensible. Jusqu'à présent, elle se contrôlait seule comme c'est le cas aussi pour le Conseil d'Etat. Elle établissait une fois par an un rapport sur son fonctionnement à l'occasion de sa rentrée solennelle. Elle pouvait par ailleurs être auditée par la Cour des comptes, qui veille au bon usage des deniers publics. Rien de plus, et surtout pas un contrôle mené par un organe directement rattaché au pouvoir exécutif.

Une atteinte à la séparation des pouvoirs. Le premier président de la Cour de cassation Bertrand Louvel et le procureur général Jean-Claude Marin ont donc décidé d'écrire à Bernard Cazeneuve. "Nous vous serions obligés de bien vouloir nous recevoir", écrivent les deux plus hauts magistrats du pays. Pour ces magistrats, qui ont choisi de rendre leur lettre publique, il s'agit d'une "rupture avec la tradition républicaine". D'autres vont encore plus loin et évoquent une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Urvoas va recevoir les magistrats. "Nul n'a jamais soutenu que la réalisation des inspections de fonctionnement dans les juridictions du premier ou du second degré conduisait ces dernières à placer ces dernières sous le contrôle direct ou indirect du gouvernement", temporise le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, selon qui le décret "a simplement procédé à une mise en cohérence des anciens textes". Pour tenter de les rassurer, le garde des Sceaux recevra les représentants de la Cour de cassation dans les prochains jours.