L'Etat peut-il être tenu responsable des départs de mineurs en Syrie ?

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Une mère de famille, qui avait prévenu les autorités des projets de son fils, a assigné l'Etat à la suite de son départ en Syrie, en décembre.

"Ils n'ont pas pris ça au sérieux". Dans une lettre envoyée récemment au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, une mère de famille accuse l'Etat de ne pas être intervenu pour empêcher le départ de son fils en Syrie. Nadine, qui assure avoir pourtant prévenu les autorités avant que son fils quitte la France, a déposé un recours préalable afin d'obtenir une indemnisation, rapporte L'Express. Une démarche qui a toutefois peu de chance d'aboutir.

Les policiers "ne m'ont pas prise au sérieux". Le 26 décembre 2013, Bryan, âgé de 16 ans, demande à sa mère la permission de dormir chez un ami. Spontanément, Nadine accepte. Mais, en pleine nuit, elle est prise d'inquiétude. Ces derniers mois, la mère de famille a en effet constaté une certaine radicalisation de son fils vis-à-vis de l'islam. Vers 2h30 du matin, elle appelle alors le commissariat de Nice. Selon ses déclarations, les policiers ne l'ont "pas prise au sérieux". Le lendemain, Bryan s'envole vers la Turquie, la porte d'entrée pour la Syrie, en compagnie de trois amis.

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Par la suite, sa mère assure avoir écrit plusieurs lettres au ministère de l'Intérieur et à la garde des Sceaux. Des lettres qui sont restées sans réponse selon elle. "Quand j'essaie d'avoir des renseignements, ils me passent de service en service. Les mois passent, et moi tout ce que je demande c'est qu'on me ramène mon fils", implore-t-elle sur RMC.

La frontière entre la Turquie et la Syrie.

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Lassée, Nadine a donc décidé d'assigner l'Etat en justice. Au début de l'été, son avocate a déposé un "recours préalable" afin d'obtenir une indemnisation. "Il s'agit de sensibiliser les services de l'Etat. Ceux-ci avaient toutes les informations pour faire échec à cette tentative de départ", affirme Me Samia Maktouf, contactée par L'Express. "Il était encore en France quand je l'ai signalé. Ce n'est pas normal qu'un jeune mineur parte là-bas avec sa carte d'identité", insiste pour sa part Nadine.

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Les mineurs autorisés à quitter le territoire sans autorisation. Depuis le 1er janvier 2013, un décret permet en effet aux enfants mineurs de quitter le territoire sans avoir à fournir d'autorisation de sortie signée de leurs parents. Plus récemment, pour endiguer le nombre croissant de départ en Syrie, le gouvernement a lancé un plan anti-djihad. Ce dispositif prévoit un renforcement du dispositif législatif et administratif visant à empêcher les candidats au djihad de partir en Syrie.

Concrètement, si les services de renseignement recueillent assez d'éléments laissant penser qu'un suspect, adulte ou mineur, veut se rendre dans une zone de combat, le ministre de l'Intérieur peut invalider et confisquer son passeport pour une durée de 6 mois. Comme il est possible d'entrer en Turquie avec une simple carte d'identité, les compagnies de transport reçoivent également une interdiction d'embarquement. Elles sont aussi censées avertir les autorités dès la réservation.

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Une procédure qui n'a "aucune chance d'aboutir". Mais ces mesures ont été mises en place en avril dernier, et renforcées dans le courant de l'été. Il sera donc impossible pour la mère de Bryan de faire valoir que ce dispositif n'a pas été appliqué avec son enfant. Par ailleurs, la loi stipule que les parents sont responsables de leurs enfants mineurs.

"Faire valoir la responsabilité de l'Etat, impliquerait de que l'Etat est responsable de tous les mineurs, c'est impossible. Ceux qui sont responsables des enfants, ce sont leurs parents. Cette procédure risque donc d'avoir aucune chance d'aboutir", analyse Benoît Camguilhem, spécialiste en droit administratif contacté par Europe 1. Pour l'heure, l'avocate de la mère de Bryan n'a pas donné de détails sur le contenu de l'assignation.