Jugé pour avoir aidé son épouse à mourir : "je n'ai jamais regretté"

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avec Géraldine Ruiz , modifié à
TÉMOIGNAGE E1 - Jean Mercier, âgé de 86 ans, comparait mardi devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne pour "non-assistance à personne en danger". En 2011, il avait assisté son épouse lors de son suicide.

La fin de vie est au cœur d'un procès qui se tient mardi à Saint Etienne. Un homme, âgé de 86 ans, comparaît pour avoir aidé son épouse à se suicider en lui procurant des médicaments. Il est poursuivi pour "non-assistance à personne en danger". Aujourd'hui, Jean Mercier assure qu'il ne regrette rien de ce geste, fruit d'une promesse de plusieurs années avec sa femme.

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"Ce jour est arrivé". "On avait décidé depuis de très nombreuses années que le jour ou l'un ne serait pas bien, l'autre l'aiderait s'il n'était pas capable d'y arriver. Et ce jour est arrivé", raconte Jean Mercier au micro d'Europe 1. C'était le 10 novembre 2011. Ce jour là, Jean Mercier accepte d'aider son épouse à décapsuler une quantité importante de médicaments. Il lui apporte un verre d'eau, pour qu'elle les avale, attendant qu'elle soit décédée pour appeler un médecin.

"On avait décidé depuis de très nombreuses années" :

Jean Mercier : "je n'ai jamais regretté"par Europe1fr

"Ma femme était fatiguée depuis longtemps". Un geste qui met fin à une longue agonie. Depuis plusieurs mois, Josanne, alors âgée de 83 ans, souffrait d'une fragilité osseuse très douloureuse qui limitait ses déplacements. Atteinte de dépression depuis plusieurs années, elle avait effectué plusieurs tentatives de suicide. "Ma femme était fatiguée depuis longtemps. Physiquement et encore plus moralement, c'était l'horreur. Alors un jour, elle m'a demandé les médicaments, j'ai apporté un verre et les médicaments et elle les a pris. Si j'étais intervenu moi-même c'était un meurtre", rappelle-t-il.

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La possibilité d'un voyage en Suisse. Car Jean Mercier avait bien discuté avec sa femme de tous les scénarios possibles pour leur fin de vie. Le couple avait même envisagé un temps la possibilité de se rendre en Suisse, pour rencontrer une association qui accueille les personnes désireuses de mourir dignement. "Nous avons pensé aller en Suisse à une époque. On en avait parlé, on avait écrit et pris des renseignements. Et puis on ne l'a jamais fait, parce que le moment n'était pas venu. Elle ne le demandait pas, c'était en prévision seulement", explique le retraité, qui aujourd'hui ne regrette rien du choix pris en concertation avec son épouse, avec qui il était marié depuis 55 ans.

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"J'ai suivi ce que l'on s'était juré". "Je n'ai jamais regretté, même sur le moment. J'ai suivi ce que l'on s'était juré tous les deux de faire. J'y repense de temps en temps, c'est certain, mais je le vis très bien. Je suis avec mes enfants, je suis heureux, j'ai une fin de vie comme je n'aurais jamais cru avoir", confie-t-il. S'il ne regrette rien, il comprend toutefois faire l'objet de poursuite, tout en déplorant une hypocrisie du droit français sur la question de la fin de vie. "C'est normal qu'on me poursuive, c'est la loi, ils ne peuvent pas faire autrement. Mais je trouve que c'est complètement idiot. Le suicide est légal et l'aide au suicide ne l'est pas. Qu'est-ce que ça veut dire ?", interroge-t-il en guise de conclusion.

"De l'acharnement du système judiciaire". Dans cette affaire, Jean Mercier reçoit d'ailleurs le soutien de Jean-Luc Romero, président de l'association pro-euthanasie ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité). "Cette affaire est symbolique de l'acharnement du système judiciaire", a déclaré lundi Jean-Luc Romero.

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De son côté, Me Mickaël Boulais, l'avocat de l'octogénaire, invoque le droit européen. "Les règles dégagées par la Convention européenne de Droits de l'Homme doivent prévaloir sur la loi française", réagit-il, affirmant qu'un rapport récent invite à légiférer sur le suicide assisté en France, "mais qu'aucune disposition n'a été prise en droit interne".

"Jean Mercier n'a pas commis de provocation au suicide de son épouse", souligne Me Mickaël Boulais, en annonçant le dépôt auprès du tribunal stéphanois d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à "l'assistance au suicide", afin qu'il la transmette à la Cour de cassation, pour saisine du Conseil constitutionnel.