"Je n'ai pas fait de malaise" : NKM raconte son agression au tribunal

L'altercation a eu lieu sur un marché parisien, jeudi 15 juin dernier.
L'altercation a eu lieu sur un marché parisien, jeudi 15 juin dernier. © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
  • Copié
L'ancienne ministre a fait face à son agresseur présumé devant la justice, mardi. Le prévenu, maire dans l'Eure, a nié l'avoir poussée sur un marché parisien, pendant la campagne des législatives. 

Vincent Debraize et Nathalie Kosciusko-Morizet ne se regardent pas. Assis chacun devant deux avocats mobilisés pour les défendre, l'ancienne ministre et le maire d'une petite commune de l'Eure tournent le dos à une 23ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris inhabituellement pleine. En ce mardi après-midi, leur dossier s'est glissé parmi une dizaine d'affaires de vols et petits trafics jugés en comparution immédiate. Le dossier d'une altercation en apparence banale, mais qui a marqué l'entre-deux-tours des élections législatives.

"Je l'entends dire : 'dégage, connard'". Costume bleu et chemise à carreaux, crâne et visage rasé de près, l'agresseur présumé prend la parole le premier. "Je remontais tout le boulevard Saint-Germain, parce que voulais aller à Mabillon", se souvient-il à propos de la matinée du 15 juin 2017. Le trottoir traverse le marché Maubert, où Nathalie Kosciusko-Morizet, alors candidate dans la deuxième circonscription de la capitale, distribue des tracts. "Je lui dis, en effet, 'pourquoi vous présentez-vous ?'", reconnaît le prévenu, qui dénonce un "parachutage". Sur son banc, NKM se tient droite en attendant son tour. 

Vincent Debraize poursuit avec force détails : un militant qui se trouvait avec la candidate aurait menacé de lui "péter la gueule", le poussant à passer son chemin, avant que la candidate elle-même ne revienne "échanger avec lui". "Je lui dis : 'Eric Zemmour a raison, vous êtes une bobo de droite. A ce moment-là, elle s'avance vers moi, très proche. Les tracts qu'elle a dans la main droite camouflent son visage. Je l'entends dire, à voix basse, 'dégage, connard'. Je prends les tracts pour les jeter par terre, elle continue à reculer. C'est là que je la vois tomber."

" Ça se passait bien. Et puis cet homme est arrivé, d'emblée très agressif.  "

"A aucun moment je n'ai touché la candidate". Le récit se fait flou. Vincent Debraize évoque un "déferlement", "trois militants" qui "l'encadrent" dont "un qui crie 'Heil Hitler, Heil Hitler'". Il se souvient de Nathalie Kosciusko-Morizet au sol, qui a perdu connaissance. Mais ne l'aide pas car il a "peur pour lui" et prend la direction du métro, suivi par un proche de la candidate. Une nouvelle altercation éclate. Bilan : lunettes cassées et chemise déchirée pour le prévenu, claque et lunettes également abîmées pour l'autre. "On s'éloigne de ce qui nous réunit ici", souffle doucement le président. "A aucun moment je n'ai touché la candidate Nathalie Kosciusko-Morizet, à aucun moment je n'ai eu l'intention de toucher la candidate Nathalie Kosciusko-Morizet", se recentre l'édile.

Aucune caméra de surveillance n'a filmé la scène : c'est parole contre parole. L'ancienne ministre se lève pour livrer la sienne. "On distribuait des tracts depuis neuf heures et demi, ça se passait bien. Et puis cet homme est arrivé, d'emblée très agressif. Il m'a dit 'c'est votre faute si Hidalgo est là, vous n'avez rien à faire à Paris, bobo de merde'. Une personne qui m'accompagnait s'est proposé de l'éloigner et je l'ai retenu, parce que le monsieur avait dit être maire en Normandie et ce n'est pas dans ma culture. Pour moi, un élu, ça se respecte."

" Je tiens très bien sur mes jambes. Je n'ai pas fait de malaise "

"Je n'ai pas fait de malaise." "Mais il m'a arraché les tracts de la main, et il m'a giflée avec. Quasiment en même temps, il m'a donné un coup, je suis tombée en arrière et après je ne me souviens pas", murmure l'ex-candidate. Les questions de ses avocats fusent, à dessein. Est-elle droitière ou gauchère ? "Ambidextre". Fait-elle du sport ? "Oui, de la course à pieds, de la natation, et un peu de boxe française. Je tiens très bien sur mes jambes." Est-elle sujette aux étourdissements ? "Non. On a parfois essayé d'expliquer les femmes sont fragiles, qu'il faisait chaud et que j'avais fait un malaise. Je n'ai pas fait de malaise", martèle-t-elle, d'une voix plus ferme.

Cinq témoins, dont quatre membres de l'entourage de Nathalie Kosciusko-Morizet, confirment les insultes et, pour certains d'entre eux, les coups. "Pas objectifs", pour la défense. Le certificat médical de l'ancienne députée, restée dix minutes inconsciente et qui s'est vue prescrire deux jours d'interruption totale de travail (ITT), fait état d'une "palpation douloureuse au thorax", là où le coup la déséquilibrant aurait été porté. "Il n'y a pas d'hématome, pas un bleu, rien", arguent les conseils de Vincent Debraize, décrit comme "égocentrique", "paranoïaque" et "rigide" par une expertise psychiatrique. Qu'importe aux yeux des avocats : le doute doit profiter à l'accusé. Et les clichés pris par un photographe présent sur place ne montrent que quelques instants de la scène, "qui ne permettent que d'imaginer le reste, pas de le savoir".

"Il s'est attaqué à un élu". Le procureur n'est pas d'accord. "La violence, elle est là", dit-il, les même clichés dans la main. "On voit que madame Kosciusko-Morizet est dans une position de défense, elle a les yeux fermés, et presque plissés." Vincent Debraize, au chômage depuis six mois, n'a pas de casier, et les risques de récidive sont "limités", reconnaît-il. "Mais ces faits sont graves, parce qu'il s'est attaqué à un élu. La seule sanction possible contre un élu, c'est de ne pas voter pour lui, pas de l'agresser." Le parquet requiert quatre mois de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende. Présenté comme très nerveux pendant plus de deux heures d'audience, le prévenu ne cille pas. Il sera fixé sur son sort le 7 septembre.