Harcèlement sexuel dans la culture : "des baisers qui n'étaient pas dans la mise en scène"

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Romane Hocquet, édité par A.H. , modifié à
"Un passage presque obligé", "qui fait partie du jeu"… C'est avec ces mots qu'un rapport décrit les nombreux cas de harcèlement et de violences sexuelles dans le milieu de la culture.
TÉMOIGNAGE

Des cas de harcèlement et des violences sexuelles occultés dans le milieu de la culture en France. C'est l'une des conclusions du rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, remis vendredi après-midi, à 15h30, à la ministre de la Culture, Françoise Nyssen.

La difficile libération de la parole. Si ces faits de harcèlement et de violences sexuelles ne seraient pas plus nombreux qu'ailleurs, ils sont, en revanche, davantage passés sous silence, presque banalisés. D'abord, à cause de la précarité. En effet, dans ce milieu, les places sont chères et les salaires peu élevés. En moyenne, les femmes artistes gagnent 20% de moins que leurs collègues masculins. Dans cette course au travail et au cachet, dénoncer revient à prendre le risque de ne plus être rappelée. 

"Il profitait qu'il y ait la pénombre sur scène". Il y a sept ans, Cybèle Villemagne, comédienne, a décroché le rôle principal dans une pièce de théâtre. Très vite, la jeune femme subit la pression de son metteur en scène. Au micro d'Europe 1, elle raconte : "J'ai toujours eu la boule au ventre en arrivant au théâtre, de peur de le croiser. J'ai tout de suite senti une pression. Je me changeais avant qu'il arrive pour ne pas qu'il me voit me mettre en costume. Et il me disait que c'était mesquin de ne pas me montrer en petite tenue. Il profitait qu'il y ait la pénombre sur scène pour essayer de me mettre une main aux fesses. Il rajoutait des baisers qui n'étaient pas dans la mise en scène", se souvient-elle. Cybèle Villemagne assure "ne jamais avoir ri à ses réflexions". "Je lui ai toujours montré un visage très froid et très fermé. Jusqu'au jour où je me suis énervée en lui disant que c'était la dernière fois". La sentence tombe : "Le lendemain, j'ai été renvoyée".

"Mais tu n'as pas peur d'être grillée ?" Terriblement angoissée à l'idée d'avoir perdu sa principale sources de revenus, la comédienne passe la journée à pleurer. Avant de se reprendre. "Je me suis dit : 'Mais ce n'est pas moi qui me suis mal comportée. C'est lui qui va pleurer maintenant'", confie-t-elle. La jeune femme porte plainte, bientôt suivie par une autre comédienne. "Beaucoup de gens me disaient : 'Mais tu n'as pas peur d'être grillée ?'", se rappelle-t-elle. La comédienne a finalement gagné son procès. Une "victoire", pour elle.

Un "culte du génie". Dans le milieu culturel, les agresseurs sont souvent talentueux, charismatiques, reconnus dans la profession. Le rapport décrit un "culte du génie", à cause duquel ces hommes restent impunis. Ce schéma s'installe dès la formation dans les écoles, où 60% des étudiants sont des femmes. Certaines se retrouveraient alors sous la coupe de mentors, généralement des hommes d'un certain âge. Un rapport dominant/dominé se met alors en place. Enfin, c'est l'image stéréotypée des femmes dans les films, les séries et les livres qui enfonce le clou. Jeunes et belles, parfois ridicules et souvent désirables.