Google + est-il déjà mort ?

Malgré la barre des 40 millions de membres dépassée, la façon dont Google + évolue est contestée en interne
Malgré la barre des 40 millions de membres dépassée, la façon dont Google + évolue est contestée en interne © Capture ecran
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Jean-Louis Dell'oro , modifié à
Un ingénieur de Google a qualifié de "coup pathétique" le lancement du réseau social censé concurrencer Facebook.

L'enthousiasme des débuts a fait long feu. Après un démarrage en trombe, l'avenir de Google + suscite déjà de sérieuses interrogations, y compris en interne. Un ingénieur du groupe, Steve Yegge, a ainsi émis le 12 octobre dernier de vives critiques sur la façon dont se développe le nouveau réseau social de Google.

Ce coup de sang était réservé à ses collègues de travail. Mais, ironie de l'histoire, il a malencontreusement diffusé en mode public sur Google + le message qui leur était destiné. Le réseau social permet normalement d’éviter ce genre d’erreur en offrant la possibilité de publier des informations uniquement à certains groupes de contacts ou "cercles". Mais l’ingénieur a admis s’être trompé de cercle lors de la publication. 

Cette bourde est d’autant plus malvenue que les mots employés sont particulièrement durs. "La plateforme Google + est un coup pathétique", s'agace Steve Yegge. Il estime que le lancement du réseau social est "une réaction instinctive" illustrant "une pensée court-termiste, fondée sur la notion fausse que Facebook a du succès parce qu'ils ont construit un très bon produit". "Mais ce n'est pas la raison pour laquelle ils ont du succès. Facebook a du succès parce qu'ils ont construit une constellation d'outils qui permettent à d'autres de faire le travail. Du coup, Facebook est différent pour chacun. Certains passent tout leur temps sur Mafia Wars. D'autres passent tout leur temps sur Farmville", poursuit-il. Steve Yegge reproche notamment à la firme de Mountain View d'essayer de prédire ce qui va plaire aux utilisateurs, alors que Google ne dispose d'aucun visionnaire de la trempe de Steve Jobs.

Quelques heures plus tard, Steve Yegge tentait de calmer le jeu en publiant un autre billet expliquant qu’il aimait travailler chez Google, insistant sur la liberté d’expression laissée aux employés en interne. Pour le moment, Google n’a pas officiellement réagi à ces propos.

40 millions d'utilisateurs...

Coïncidence ou non, le 13 octobre soit le lendemain de la sortie de l’ingénieur, lors de la présentation des résultats du troisième trimestre du groupe, le patron de Google Larry Page annonçait fièrement que Google + venait juste de dépasser les 40 millions d'utilisateurs. Des chiffres impressionnants alors que le service n'a été lancé que le 29 juin dernier. Les partisans de Google + souligneront aussi que le service conquiert beaucoup plus rapidement des parts de marché que Facebook ou Twitter lors de leurs premiers pas.

Seulement l'époque est différente. Facebook a été lancé en 2004 et Twitter en 2006. Une éternité à l'échelle du web. Aujourd'hui, Facebook attire plus de 800 millions d'utilisateurs actifs et Twitter plus de 100 millions, tandis que les 40 millions d'utilisateurs revendiqués par Google ne concernent que les personnes ayant créé un compte, qu'ils soient actifs ou non.

... Mais un trafic en berne

Le trafic de Google + inquiète également. D'après le Mail on Sunday, il a chuté de près de 60% depuis le pic constaté lors de l'ouverture complète du service au public (Google + était réservé auparavant aux personnes ayant reçu une invitation). L'information mérite pourtant d'être nuancée. En effet, la fréquentation du site avait explosé avant de baisser. Comme le démontre un contributeur de Forbes, le trafic de Google +, malgré cette chute vertigineuse, a tout de même progressé de plus de 480% en moins d'un mois. Pas si mal pour un site qu'on annonce moribond.

Alors, faut-il préparer les avis de décès pour ce nouveau réseau social ? "Google+, on ne peut pas dire que ‘c’est là que ça se passe’ ", ironise David Abiker, chroniqueur pour l’émission Des clics et des claques sur Europe 1. "Je m’y suis inscrit mais j’ai du mal à identifier l’intérêt. Alors je rentre des gens dans des cercles pour m’endormir, le soir, comme on compte les moutons. Google+, j’y reste par acquis de conscience en me disant : on ne sait jamais, l’action va peut-être monter". Ce qui résume assez bien le sentiment de nombre d’adeptes de la première heure.

Il semble en tout cas pour le moment prématuré d'enterrer Google + après quelques semaines seulement d'utilisation. Il faudra certainement attendre un an avant de pouvoir dresser un premier bilan. Mais Google aura-t-il assez de temps pour peaufiner son bébé et trouver son public ? L'échec de Buzz, le précédent réseau social lancé par le groupe, a marqué les esprits. Ce service, associé à la messagerie Gmail, avait connu des débuts calamiteux à cause de problèmes de confidentialité des données. Malgré les efforts de la firme pour rectifier le tir, Google Buzz n’a jamais pu décoller. Google a d’ailleurs annoncé vendredi qu'elle allait arrêter les frais. Google Buzz n’existera plus dans les prochaines semaines, soit moins de deux ans après sa sortie.