Femmes enceintes : mieux comprendre la recommandation du "zéro alcool"

  • Copié
Eve Roger, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Selon une expertise collective de l'Inserm, avec moins d'un verre d'alcool par semaine, les dangers mesurables pour un fœtus sont difficilement mesurables.
L'ENQUÊTE DU 8H

L'alcool est à consommer avec modération. Tout le monde le sait. Mais pour les femmes enceintes, faut-il passer de la modération à l'interdiction ? C'est la question que se pose  Europe 1 à l'occasion d'une rencontre entre Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et deux représentants de la filière viticole qui doivent préparer un ensemble de prévention contre l'alcool avec, notamment, l'agrandissement du pictogramme d’avertissement aux femmes enceintes sur les bouteilles d'alcool. 

Un seul verre est-il dangereux ? "Zéro alcool pendant la grossesse", c'est la recommandation officielle du ministère de la Santé depuis 2007. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'un seul verre d'alcool pendant les neuf mois de grossesse est dangereux pour le fœtus. Selon une expertise collective de l'Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale, ndlr] datant de 2016, il existe trois niveaux d'exposition à l'alcool pour évaluer les risques. 

Avec moins d'un verre par semaine, à l'occasion d'un mariage ou d'un anniversaire par exemple, il n'y a pas de danger mesurable actuellement pour le fœtus. A contrario, avec deux verres par jour, ou une ivresse au-delà de quatre verres, il y a un vrai risque pour le fœtus. Et entre ces deux extrémités, il y a une zone grise où le risque est plus difficile à mesurer. La sensibilité individuelle de chaque femme enceinte rentre aussi en ligne de compte et elle est imprévisible. La balance scientifique penche tout de même plus vers des effets néfastes pour le développement du cerveau fœtal.

Un message global. C'est donc plus par souci de clarté, de simplicité et surtout d'efficacité que le ministère de la Santé recommande le "zéro alcool", à l'image du préservatif pour lutter contre le VIH. "Est-ce que vous voyez un message qui serait : 'Les préservatifs essayez d'y penser de temps en temps quand vous avez le temps et que cela ne vous contrarie pas trop d'en mettre ?' Non. On a dit, 'sortez couvert'", explique le neuro-pédiatre à l'hôpital Robert-Debré à Paris, David Germanaud. "Il y a un message extrêmement serré, après chacun fait ce qu'il veut avec un message de santé publique". 

Des malformations physiques. Contrairement à ce que l'on croit, il n'y a pas de période plus à risques pendant la grossesse, toutes les périodes sont dangereuses, mais elles n'affectent pas le fœtus de la même manière. Au premier trimestre de la grossesse, on voit plutôt apparaître des malformations physiques associées au syndrome d'alcoolisation fœtale : le cœur, les anomalies au visage. Le cerveau, lui, c'est tout au long de la grossesse qu'il trinque. 

Et neurologiques. Paradoxalement, les données à disposition permettent aux médecins de se montrer rassurant si l’exposition est limitée aux trois premières semaines de grossesse, souvent une période durant laquelle la femme ne sait pas encore qu'elle est enceinte. Parce que tous les fœtus ne sont pas égaux face au danger, ils n'ont pas tous la même sensibilité génétique à l'alcool. Dans le cas de jumeaux, il est possible qu'un seul des deux fœtus développe un syndrome d'alcoolisation fœtale avec la même dose d'alcool. Chaque année, 800 bébés naissent en France avec un syndrome d'alcoolisation fœtale. Mais ce chiffre grimpe à 4.000 en ce qui concerne les troubles du neuro-développement liés à l'alcool.

Faut-il interdire l'alcool aux femmes enceintes ?