Faire vacciner son enfant : obligation ou libre choix ?

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avec AFP , modifié à
Le Conseil constitutionnel tranche la question vendredi, soumise par un couple de parents de l'Yonne, qui avait refusé de vacciner leur fille aînée de trois ans.

L'obligation de faire vacciner son enfant, inscrite dans la loi, est-elle contraire à la Constitution ? Le Conseil constitutionnel répondra vendredi à cette question délicate, soumise par un couple de parents de l'Yonne, devenus le symbole de la défiance d'une partie croissante de la population vis-à-vis de la vaccination. Marc et Samia Larère ont été convoqués devant le tribunal correctionnel d'Auxerre pour n'avoir pas fait vacciner leur fille aînée de trois ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP).

L'obligation de se faire vacciner inscrit dans la loi. Or, la vaccination contre ces trois maladies est rendue obligatoire par le Code de la santé publique. Et toute personne qui refuse de s'y soumettre encourt six mois d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende pour refus ou entrave à la vaccination. Le Code pénal prévoit, lui, que le fait de se soustraire à ses obligations légales "au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant" peut valoir à l'auteur de l'infraction jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Des vaccins "groupés" qui ne conviennent pas aux parents. C'est un pédiatre qui a signalé à la Protection maternelle et infantile le cas des parents. Ces derniers s'étaient tournés vers lui pour faire la visite des neuf mois de l'enfant. Le service du conseil général les a d'abord convoqués avant de faire à son tour un signalement au parquet. Marc et Samia Larère ont alors expliqué leur refus par le fait que les seuls vaccins aujourd'hui disponibles combinent le DTP à d'autres, comme la coqueluche, l'hépatite B ou la méningite. Des vaccins qui, eux, ne sont pas obligatoires. Ils affirment avoir reçu, à leur demande, du laboratoire Sanofi Pasteur deux vaccins ne ciblant que la DTPolio, mais qui contenaient "un produit toxique", a expliqué Marc Larère.

Droit à la santé vs droit pénal. Le conseil des deux parents, Me Emmanuel Ludot, a donc soumis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l'audience devant le tribunal correctionnel d'Auxerre, le 9 octobre. Les juges ont accepté de la transmettre à la Cour de cassation, qui l'a elle-même transmise au Conseil constitutionnel.

Cette question met en opposition le droit à la santé, inscrit au préambule de la Constitution, et les dispositions du Code pénal et du Code de la santé publique. Ce droit à la santé comprendraient aussi le droit ne pas se faire vacciner, selon l'avocat. Pour Me Ludot, le Conseil constitutionnel doit déterminer si le droit de ne pas faire vacciner son enfant est ou non une liberté constitutionnelle.

"On n'est plus en phase avec les pays européens". A l'audience, Me Ludot a rappelé mardi que les trois maladies visées par le vaccin DTP avaient disparu de France et d'Europe. Citant des études, il a également assuré qu'on n'avait "plus la certitude que ces trois maladies avaient été éradiquées par une campagne de vaccination". "On n'est plus en phase avec les pays européens qui nous entourent", a-t-il plaidé, seule l'Italie ayant maintenu l'obligation de vaccination.

L'avocat a également évoqué des cas de complications liées à la vaccination, mis en avant par les opposants aux injections obligatoires ou recommandées. Dès lors, il faut "rendre aux parents leur liberté" et "faire de la vaccination l'exception", en cas de résurgence ou d'émergence d'un virus, a-t-il plaidé, citant le cas d'Ebola.

"Il y aura un avant et un après". L'avis des membres de la haute juridiction sera "une décision de principe. Il y aura un avant et un après", a estimé l'avocat. Si le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution les articles du Code de la santé publique portant obligation de vaccination, "tous les parents vont pouvoir reprendre leur liberté par rapport au vaccin. Ça va faire bouger les lignes", espère Me Ludot. 

Le jour de l'audience correctionnelle, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait rappelé le caractère "absolument fondamental (des vaccins) pour éviter les maladies". "Il y a un mouvement qui me préoccupe en France de méfiance, de défiance même vis-à-vis des vaccins (...) La liberté s'arrête là où commence la santé publique et la sécurité de l'ensemble de la population", avait-elle ajouté. Selon la ministre, "il n'y a pas de raison particulière d'avoir des inquiétudes sur ce que l'on appelle les adjuvants, un produit que l'on ajoute dans le vaccin pour permettre son efficacité maximale".

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