Polémique "étoile jaune" : comment Zara a-t-il pu laisser passer ça ?

© Capture d'écran ZARA
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LA QUESTION - Impératif de rapidité,  jeunes designers...Plusieurs facteurs expliquent la mise en vente du vêtement, retiré depuis.

Comment Zara a-t-il pu laisser passer ça ? C'est en substance la question posée par de nombreux internautes après que la marque espagnole a mis en vente sur son site Internet un tee-shirt pour enfant, à rayures bleues et blanches, orné d'une étoile jaune. Beaucoup y ont vu une réplique des uniformes de déportés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. La marque, elle, assure que ce vêtement s'inspire des étoiles de shérif. Y-a-t-il vraiment eu un couac dans la chaîne de création de ce tee-shirt ? Comment expliquer que cette association maladroite soit passée entre les mailles du filet ? Eléments de réponses avec deux spécialistes de la mode.

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L'étoile de shérif, une image de l'enfance. Pour Patricia Romatet, de l'Institut français de la mode, si l'émotion suscitée par la commercialisation de ce vêtement est compréhensible, la polémique, elle, n'a pas lieu d'être. Selon la spécialiste en processus de création de collection, ce tee-shirt répond à tous les codes classiques du prêt-à-porter pour enfants. Les rayures type marinière et les étoiles de shérif sont en effet des basiques de "l'iconique de l'enfance".

"Les créateurs des collections pour enfants travaillent généralement autour d'histoires. Et le thème des cow-boys est récurrent dans la mode garçon", commente Patricia Romatet, interrogée par Europe 1. C'est d'ailleurs l'argument qu'a fait valoir Zara pour répondre à la polémique. "Le design original est inspiré des étoiles de shérif des westerns" américains, souvent dorées et à six branches, a fait valoir une porte-parole de la marque. "Le design original n'a rien à voir avec les connotations qui y ont été associées", insiste Zara.

Audrey Chêne, styliste et auteur du blog Mamzette.com, confie d'ailleurs qu'en regardant le tee-shirt, elle n'a rien vu d'autre qu'une étoile de shérif. En zoomant sur l'étoile, on peut même constater qu'il est écrit "shérif" dessus. "Clairement, c'est un vêtement pour enfant. Même si je reconnais que l'association des étoiles et des rayures est particulièrement maladroite. Il faut avoir les références culturelles et historiques pour le voir", estime la jeune femme.

zara

Le manque de culture historique des jeunes stylistes. Un avis partagé par Patricia Romatet, de l'institut français de la mode. "Il faut bien imaginer que les designers de Zara sont généralement âgés d'une vingtaine d'années et ne sont pas tous Européens. Ils n'ont donc pas les référents culturels et historiques de notre société française, ou européenne", commente la spécialiste. Zara a d'ailleurs bien précisé à Europe 1 que ses collaborateurs venaient des quatre coins du monde. "Zara est une entreprise dans laquelle plus de 180 nationalités, cultures, origines et religions différentes, travaillent ensemble afin de représenter le monde moderne", se justifie la marque.

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Le vêtement pointé du doigt a donc très bien pu être désigné par un styliste américain par exemple. Quant au choix de commercialiser le tee-shirt en France, il revient à des marchandisers chargés de piocher, dans une vaste collection, les articles destinés au marché européen. "Ça peut très bien passer entre les mailles du filet", réagit Patricia Romatet.

L'étoile de shérif aposée sur un tee-shirt de la marque Zara

© Capture d'écran Zara

"Des milliers de vêtements validés chaque mois". D'autant plus que les cadences de création sont infernales dans des enseignes comme Zara. "L'une des caractéristiques de la marque espagnole est de proposer de nombreuses collections, c'est-à-dire de reposer sur un système de 'cycle fast fashion', et ce, même pour les collections enfant. Des milliers de produits sont donc validés tous les mois. Tout va très vite", insiste l'ancienne styliste.

A l'impératif de rapidité, s'ajoute une ultra-segmentation du travail, rapporte Audrey Chêne, du blog Mamzette.com. "Les processus sont très cloisonnés. Quelqu'un va penser à la forme du vêtement, un autre au motif, un autre va décider de modéliser une étoile à tel endroit. Beaucoup de savoir-faire entrent en collision. Cela se fait souvent vite et sans prise de recul. Alors, forcément, parfois, cela débouche sur des associations choquantes comme le tee-shirt de Zara", analyse la styliste.

Mais pour les deux spécialistes, cette polémique est d'avantage liée à "une cristallisation historique et une hypersensibilisation autour du thème de la Shoah", qu'à un véritable couac de Zara.