Entre escroquerie et dissidence, la justice autorise l'extradition d'Abliazov

Le tout-puissant président kazakh Noursoultan, accusé par la défense d'avoir organisé une cabale contre Moukhtar Abliazov.
Le tout-puissant président kazakh Noursoultan, accusé par la défense d'avoir organisé une cabale contre Moukhtar Abliazov. © REUTERS
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Noémie Schulz avec et AFP , modifié à
L'oligarque kazakh est accusé par l’Ukraine et la Russie d’avoir détourné des milliards de dollars. La justice française a autorisé son extradition.

Cabale politique ou scandale financier ? La cour d'appel de Lyon a autorisé l'extradition vers la Russie et l'Ukraine de l'ancien banquier et ministre kazakh Moukhtar Abliazov, détenu en France depuis 15 mois. Cet oligarque et opposant kazakh avait été arrêté en juillet 2013 sur la Côte d'Azur.

Dissident ou escroc ? Dans cette affaire, deux camps s’affrontent. Pour le premier, Moukhtar Abliazov serait l’escroc du siècle et aurait détourné des milliards de dollars lorsqu’il était à la tête de la première banque du pays, nationalisée en 2009. Une thèse avancée par le président du Kazakhstan, et soutenue par l'Ukraine et la Russie.

L’autre camp le décrit au contraire comme une opposant politique et un dissident martyr, dont la réussite aurait fait des jaloux. Pour ses défenseurs, la faute de Moukhtar Abliazov aurait été de dénoncer la corruption au sein du gouvernement kazakh, dont il a pourtant fait partie dans les années 1990. En 2000, son opposition au tout-puissant président kazakh Noursoultan lui avait valu un séjour en prison.

Sa défense argumente que Moukhtar Abliazov jouera sa vie en cas d'extradition vers la Russie ou l'Ukraine. Pour la légende des échecs Garry Kasparov, opposant à Vladimir Poutine venu soutenir Abliazov à Lyon, celui-ci sera "une monnaie d'échange" entre le Kremlin et le président kazakh. 

Une arrestation spectaculaire. L’homme était activement recherché. Après un exil en Grande-Bretagne, où il avait obtenu l'asile politique, Moukhtar Abliazov, poursuivi devant la Haute Cour de Londres, avait clandestinement quitté l'Angleterre en février 2012. Le lendemain, la justice britannique l’avait condamné à 22 mois de prison ferme pour outrage.

Des détectives l’avaient traqué, jusqu’à son interpellation dans une somptueuse villa de la Côte d'Azur, en décembre 2013. Une vingtaine de policiers, appuyés d’un hélicoptère avaient été déployés pour son interpellation.

Statut d'asile politique. L’Ukraine et la Russie, théâtre des fraudes financières présumées, réclament à la France son extradition. Qui ne peut se faire vers le Kazakhstan, faute de convention avec ce pays et compte tenu du statut de réfugié de Moukhtar Abliazov en Grande-Bretagne.

En attendant une décision des juges, Moukhtar Abliazov était depuis en prison en France. Le parquet général avait déjà donné son feu vert sur son extradition en début d'année, ce qui inquiétait ses avocats. L’un d’eux, Me Tcholakian, expliquait à Europe 1 que s’il était renvoyé en Ukraine ou en Russie, il serait remis aux autorités kazakhes, qui veulent, selon lui, le faire disparaître.

Encore de longs mois de procédure. Mais la décision des magistrats lyonnais n'aura rien de définitif, souligne la défense. Elle projette déjà de nouveaux pourvois en cassation. Puis, en cas de signature d'un décret d'extradition par le Premier ministre, un recours devant le Conseil d'Etat. Et, in fine, une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme. Bref, au moins un an de procédure encore, et de nouvelles demandes de remise en liberté, que la justice française a refusées jusqu'ici.