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Jean-Sébastien Soldaïni, édité par A.H. , modifié à
Alors que la contestation monte en Guyane, nombreux sont ceux qui refusent les discussions avec d'anciens hauts fonctionnaires, accusés de n'avoir rien fait lorsqu'ils étaient au pouvoir.
REPORTAGE

C'est un climat de révolte qui s'installe en Guyane. Le plus grand département français d'Outre-mer est en proie à plusieurs mouvements sociaux d'ampleur depuis une semaine. Les écoles, l'université, le port de commerce, les administrations et certains commerces sont fermés depuis jeudi. Les syndicats à l'unanimité, sauf un, appellent à la grève générale dès lundi. Air France et Air Caraïbes ont également annoncé qu'ils annulaient leurs vols vers la Guyane

D'anciens hauts fonctionnaires, qui "n'ont rien fait" pour la Guyane. Et l'envoi d'une mission interministérielle sur place, samedi, n'a pas calmé les esprits. Bien au contraire, car les Guyanais ne veulent pas négocier avec elle. Ce qu'ils souhaitent, c'est traiter directement avec les ministres concernés, et pourquoi pas Bernard Cazeneuve en personne. Mickaël, membre d'un collectif pour une police plus forte, ne reconnaît aucune légitimité aux envoyés du gouvernement. "On ne les recevra pas. Pour la simple et bonne raison que ce sont d'anciens hauts fonctionnaires qui ont travaillé en Guyane. Ces personnes argumentent en disant qu'elles aiment la Guyane, et qu'elles connaissent la réalité du terrain. Mais pendant qu'elles étaient en place, et qu'elles avaient le pouvoir de faire des choses, elles n'ont rien fait. Comment pourraient-elles aujourd'hui nous apporter les solutions ?", peste ce militant.

"Des demandes basiques". Insécurité croissante, infrastructure délabrée… La plupart des Guyanais se sentent oubliés par la République. Valérie Vanoukia, présidente du syndicat des petites entreprises, voit là une réalité qui tranche avec ce que l'on connaît de la Guyane. "Nous voulons que, sur un territoire où, tous les quinze jours, des fusées partent pour que des dizaines de milliers de personnes utilisent Internet, nous ayons nous-même accès à la téléphonie. Ce sont des demandes basiques", assure-t-elle. Un collectif, nommé "Pour que la Guyane décolle" (en référence aux lancements de fusées), est en train de se créer.

Les candidats s'en saisissent. Dimanche, plusieurs candidats à la présidentielle ont commenté la situation. Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise, a adressé dimanche à Rennes un "immense salut de solidarité" à la Guyane. Marine Le Pen a dénoncé depuis son meeting à Lille le "service cruellement minimum" des gouvernements successifs dans le plus grand département de France. Emmanuel Macron, candidat d'En Marche !, appelle pour sa part à "revenir à la raison et au calme". "Bloquer les aéroports, bloquer la ville, ce n'est pas acceptable", a déclaré l'ancien ministre en marge d'une visite à La Réunion. Quant à Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout La France, il a pointé "la démission de l'Etat". 

La ministre des Outre-Mer se défend de ne pas se rendre en Guyane

Ericka Bareigts, la ministre des Outre-Mer, interrogée sur Europe 1 dimanche matin, a affirmé "comprendre" la situation en Guyane. Pour elle, les hauts fonctionnaires dépêchés sur place - très critiqués par la population - "connaissent parfaitement le terrain, aiment ce territoire". Ces émissaires, "de haute qualité", "écoutent, font un état des lieux très précis, et qui agissent".

Directement en charge de ces dossier, le ministre ne s'est, jusqu'ici, pas déplacer en Guyane depuis le début des tensions. Une absence qu'elle justifie par sa volonté d'agir "dans un temps très court". "Nous voulons dans un temps très court, instituer le dialogue avec des gens qui ont la connaissance et l'approche technique pour pouvoir évaluer les demandes. Pour qu'ici, moi à Paris avec le Premier ministre, nous puissions apporter des réponses pas à pas. C’est comme ça que nous travaillons", affirme-t-elle. "Nous sommes dans la réalité des choses et dans la réalisation des solutions".