Ecole maternelle : "Fatigués de servir à tout", les Atsem se mettent en grève

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IMAGE D'ILLUSTRATION - Parmi les missions des Atsem : accueillir les enfants à l'école. © MYCHELE DANIAU / AFP
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Face à la multiplication de leurs missions et à la stagnation de leur carrière, un collectif d’Atsem lance un mouvement de grève mercredi.

Elles (ou ils) accueillent vos enfants le matin et nettoient la salle de classe après les cours. Entre-temps, ce sont elles/eux qui ont aussi accompagné vos chérubins aux toilettes, qui les ont aidés à manger à la cantine ou encore à s’endormir pour la sieste. De plus en plus souvent, ce sont aussi elles/ils qui ont co-animé, voire animé tout court, l’atelier découpage ou coloriage qu'a suivi votre enfant. En clair, presque tous les parents d’élèves de maternelle les connaissent. Les "Atsem", Agent territorial spécialisé des écoles maternelles de leur vrai nom, vont crier leur ras-le-bol mercredi.

Face à l'entassement de leurs missions sur le terrain et à la stagnation de leur statut et de leurs perspectives de carrière, le collectif des Atsem de France, soutenu par la CGT, la CFDT et FO, lance un mouvement de grève mercredi. Une partie manifestera également devant le ministère de la Fonction publique à 11h. Pourquoi ? Europe 1 a essayé de comprendre leur malaise.

Un Atsem, qu’est-ce que c’est ? Agents de la fonction  publique territoriale, les Atsem sont nommés par les mairies dans les écoles. Sur leur fiche de poste, elles / ils sont chargé(e)s de "l'assistance au personnel enseignant pour l'accueil", de l'animation et de l'hygiène des très jeunes enfants ou encore de la préparation et du nettoyage des locaux et du matériel. Les Atsem sont également tenus de "participer à la communauté éducative". Mais au-delà de ces grandes lignes générales, les contours de leurs missions sont flous. Et c’est là que le bât blesse : beaucoup d'Atsem sont devenus les agents à tout faire des écoles maternelles.

"Nous remplissons de plus en plus de missions pédagogiques", explique Nathalie Metche, Secrétaire fédérale de la CGT Fonction publique à Toulouse et elle-même Atsem. "Depuis la réforme des rythmes scolaires, nous devons animer des ateliers périscolaires (poterie, découpage, coloriage etc.). Et de plus en plus, les enseignants s’appuient sur nous pendant le temps scolaire. Lorsque nous avons des classes de 30 élèves, il arrive qu’une Atsem s’occupe d’un groupe d’élèves pour faire de la reconnaissance de chiffre ou de lettre, du développement psychomoteur etc. Tandis que l’enseignant s’occupe d’un autre groupe pour faire la même chose", poursuit-elle.

Cette multiplication des missions est constatée par plusieurs Atsem un peu partout en France, qui se sont organisés en collectif. "Nous sommes révolté(e)s et fatigué(e)s de servir à tout, sous prétexte d'être un métier est considéré comme les dames de services de l'Education nationale et des municipalités", dénonce ainsi Gaelle Le Notre, membre du collectif Atsem de France, qui revendique 5.000 membres.

" On considère qu’elles sont corvéables. Il faut clarifier leurs missions et les recentrer "

Un métier sous-évalué ? Aujourd’hui, les Atsem réclament une clarification de leurs missions, une reconnaissance de leur métier mais aussi de sa pénibilité. Souvent obligés de se pencher et de travailler sous un bruit constant, dans un volume horaire évalué entre 35 et 42 heures par semaine, beaucoup se sentent "épuisés".

Aussi, et surtout, leur statut, fondé en 1992, n’a pas évolué depuis cette date. "Cela fait 20 ans que nous travaillons dans un cadre qui n’a jamais bougé. Nous n’avons aucun plan de carrière, aucune possibilité d’évolution hiérarchique. Nous sommes fonctionnaires mais nous n’avons pas le droit de passer les concours dits de ‘catégorie B’, qui nous permettraient de remplir des fonctions d’encadrement. Au mieux, et le mieux arrive rarement, nous atteignons l’échelon 6 de rémunération en fin de carrière, c’est-à-dire un salaire d’environ 1.550 euros nets", s’indigne Nathalie Metche.

Un métier applaudi dans le milieu scolaire… Du côté des parents comme des enseignants de maternelle, tout le monde reconnaît l’importance des Atsem ainsi que la nécessité de revaloriser leur statut et de prendre en compte la pénibilité de leur métier. "Les Atsem ont un rôle extrêmement précieux. Ils sont une référence pour les enfants, ils veillent à ce qu’ils se sentent bien, à ce qu’ils soient en sécurité. L’institutrice est celle qui va apprendre des choses à l’enfant, l’Atsem est celle qui va mettre l’enfant dans les bonnes conditions pour apprendre. Il y a une totale complémentarité. D’ailleurs l’enfant se souvient souvent autant  de la maitresse que de l’Atsem", observe Françette Popineau, porte-parole du SNUIPP (principal syndicat d’enseignant du premier degré), ancienne enseignante de maternelle.

" L’Atsem ne doit pas remplacer le professeur "

"Les Atsem ont un rôle éminemment important. Elles constituent un réel appui pédagogique pour les enseignants, et ne sont pas un simple supplétif", abonde Hervé-Jean Le Niger, vice-président de la FCPE, la principale formation de parents d’élèves.  "C’est un élément indispensable et pourtant, elles disposent la plupart du temps d’un statut très précaire, ce sont souvent des femmes seules, qui habitent loin de leur lieu de travail. Il s’agit clairement d’un métier qu’il faut valoriser", poursuit-il.

Enseignants comme parents s’accordent, toutefois, pour limiter le rôle pédagogique des Atsem. En clair : s’il faut valoriser leur métier, il faut aussi recentrer leurs missions. "Je ne doute pas que les Atsem aient les compétences pour participer à des ateliers ou lire des histoires. Mais il ne faut pas que leur travail soit trop saupoudré, sinon ça ne met pas de sens. Il faut que l’on sache clairement qui fait quoi", estime Françette Popineau, du SNUIPP. "Depuis la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, il arrive qu’elles doivent quitter la salle en quatrième vitesse à 15h parce qu’elles doivent animer un atelier pour des CP qui ont fini les cours. Cela ne va pas du tout. On considère qu’elles sont corvéables. Il faut clarifier leurs missions et les recentrer", renchérit-elle.

"L’Atsem ne doit pas remplacer le professeur. Si cela arrive dans les faits, c’est regrettable. De manière générale, les Atsem ont une organisation du temps de travail découpée, et il y a une réflexion à faire sur leurs horaires", renchérit Hervé-Jean Le Niger, de la FCPE.

" Chez certains enseignants, on sent la perception d’une différence de hiérarchie, comme si on était des servantes "

… Mais souffrant parfois d’un regard dévalorisant. Mais si tout le monde s’accorde sur le rôle crucial joué par les Atsem, sur le terrain, les regards ne sont pas toujours valorisants. "Il y a malheureusement parfois un regard dévalorisant de la part des parents", s’attriste ainsi Hervé-Jean Le Niger. Selon Nathalie Metche, l’Atsem de Toulouse, ce n’est toutefois pas le regard des parents qui est le plus douloureux. "Les parents nous considèrent souvent comme une partie intégrante de l’école. Nous sommes là toute la journée, nous connaissons bien les enfants, nous les suivons depuis leur entrée en maternelle. Cela créé des liens privilégiés", assure l’Atsem.

En tant que responsable syndical et elle-même Atsem, Nathalie Metche constate en revanche davantage de situations conflictuelles avec les enseignants. "C’est vrai que cela peut être bien ou mal. C’est une question d’humains. Mais on sent chez certains enseignants la perception d’une différence de hiérarchie, comme si on était encore au début du siècle dernier, lorsqu’on était considéré comme des servantes". "Il ne faut pas leur en vouloir, dans leur formation, on leur explique ça. Dans les quartiers dits ‘difficile’, par contre, cela se passe mieux. Il y a une solidarité nécessaire, chacun s’appuie l’un sur l’autre. Le lien est très fort", raconte Nathalie Metche.

Françette Popineau, porte-parole des enseignantes du SNUIPP, le reconnaît : "Il y a des relations conflictuelles quelque fois, ce sont des aventures humaines. Mais c’est vrai qu’il y a un défaut de formation de part et d’autres qui fait que l’on n’apprend pas à travailler en équipe. Cela ne s’improvise pas, cela s’apprend". "De manière générale, les retours que j’ai souvent de la part des instituteurs, c’est pour dire que les Atsem sont précieuses", insiste néanmoins l’enseignante.

Contacté par Europe 1, le ministère de la Fonction publique assure porter une attention toute particulière au malaise des Atsem, sans donner davantage de précision. La ministre Annick Girardin recevra une délégation de grévistes mercredi.