Double meurtre de Montigny-lès-Metz : "il m'a dit qu'il avait baissé le froc du plus grand"

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, envoyée spéciale à Metz , modifié à
Un ancien codétenu de Francis Heaulme est revenu sur les confidences troublantes que le tueur en série lui avait faites en prison, jeudi devant les assises de la Moselle.

Devant les assises, Francis Heaulme ne parle pas, ou peu. Bien souvent, il se contente de clore les longues questions du président par un haussement d'épaules : "je ne sais pas". Mais, à en croire les témoins de son procès pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, l'accusé peut, en d'autres circonstances, se montrer bien plus bavard. Deux jours après le récit du gendarme Abgrall, qui avait établi une "relation de confiance" avec le tueur en série, la cour a fait la connaissance de l'un de ses "amis", jeudi.

"Francis a toqué dans le mur". En 2002, Francis G. purgeait une peine de 12 ans de prison et venait d'être transféré au quartier d'isolement, à Metz. Son voisin de cellule (et homonyme de prénom), n'était autre que le "routard du crime". "Dès mon arrivée, Francis a toqué dans le mur, pour savoir si j'avais besoin de quelque chose", se souvient-il. On a parlé, on a lié amitié (sic). Il m'a demandé si je voulais aller en salle d'activité avec lui, j'ai dit oui." Et d'assurer : "je ne savais pas du tout pourquoi il était incarcéré."

Rapidement, les deux hommes émettent le souhait de passer plus de temps ensemble. "On voulait travailler, faire nos activités et aller en promenade ensemble", raconte le témoin, comme nostalgique. Un jour - la date exacte lui échappe -, Francis G. se souvient que son ami est sorti pour être entendu dans un dossier. Il est rentré tard, "vers 22 heures", et, comme à son habitude, a "toqué" contre le mur. "Il s'est mis à me parler de son affaire, je lui ai dit qu'il fallait mieux qu'il ne le dise pas tout fort. Alors, il m'a envoyé un papier en marquant dessus : 'j'ai besoin de ton aide, il faut que tu me trouves un alibi, parce que je n'ai pas rien à voir dans cette histoire'."

" Il m'avait dit, aussi, qu'on lui avait jeté des cailloux.  "

"Je prends beaucoup de cachets avec ma maladie", reconnaît le témoin, qui se déplace en fauteuil roulant, et souffre de trous de mémoire. La suite de son récit est en effet plus floue, mais non moins intrigante. "Il m'avait dit, aussi, qu'on lui avait jeté des cailloux, mais je ne suis pas sûr, je ne veux pas dire tout et n'importe quoi. Je crois qu'il m'a parlé de la couleur des vêtements d'un des enfants, un slip bleu. Je ne suis pas sûr. Je vous dis, je prends énormément de cachets."

"Toujours sept à dix coups d'avance". Le président prend le relais et rappelle que Francis G. a relaté ces confidences dans une lettre au procureur Guitton, le 20 avril 2002. Dans la missive, "l'affaire" portait un nom : Montigny-lès-Metz. Convoqué par le procureur, le détenu s'était, à l'époque, montré très précis. Il en était certain : Francis Heaulme lui avait raconté les enfants qu'il avait voulu punir, en frappant au moins un à coups de pierre. Son complice, qui était monté avec lui sur le talus pour les "attraper". Le mode opératoire, "pas sa façon de travailler mais il avait perdu le couteau qui lui avait servi pour faire un autre meurtre". Et les corps des garçons morts : "il m'a dit qu'il avait baissé le froc du plus grand. Il m'a dit qu'il faisait ça à toutes ses victimes."

" Il me mettait volée sur volée aux échecs "

La lecture du procès-verbal d'audition ravive la mémoire de Francis G, tout à coup très ému. "Je confirme tout ce qu'il m'a dit. J'ai peut-être occulqué (sic) tout ça, mais ça me touche. J'aurais préféré qu'il ne me dise rien." Comme un ami trahi, il revient, au bord des larmes, sur la relation qu'il entretenait avec Francis Heaulme. "On se côtoyait tous les jours, il me mettait volée sur volée aux échecs. Toujours sept à dix coups d'avance. Il a une mémoire phénoménale ! On bossait aussi. On faisait des petites boîtes d'agrafes." Dans le box, l'accusé a toujours la tête posée sur sa main ouverte, impassible.

"Information sur la 3, chaîne". Dans sa lettre de 2002, le témoin avait glissé deux papiers de cantine jaunes, aujourd'hui annexés au dossier. Le président lit ce qui est écrit au dos du premier : "information sur la 3, chaîne, Patrick Dils va parler à 12h53." Le document est présenté aux parties, puis à Francis G., formel : "C'est monsieur Heaulme qui l'a écrit. Il m'a envoyé ce message." Le détenu de l'époque s'était exécuté et avait regardé le documentaire sur le dossier de Montigny. "Le lendemain, il m'a dit que Dils avait été condamné à sa place."  

Au dos du deuxième bon de cantine, un autre message, aux allures de liste. "Parti à 13 heures, Vaux, en vélo, grand-mère. 13h30, Montigny, terrain. 14 heures, aller à Metz, voir des amis. Reparti à 17h15, arrivée chez grand-mère", lit le président. "Je me rappelle bien, cette fois c'est mon écriture", rebondit Francis G. "C'est ce qu'il me disait de noter pour ne pas oublier, quand on était dans l'atelier."

" Je faisais mon courrier moi-même, sur papier libre "

Péniblement, Heaulme se lève. On lui présente les bons. "Je faisais mon courrier moi-même, sur papier libre, à carreaux, jamais sur des bons de cantine. Monsieur G., c'est la première fois que je le vois", grommelle-t-il. Le témoin s'émeut : "enfin, je ne comprends pas pourquoi tu mens !". L'accusé persiste : "je n'ai jamais joué aux échecs, je ne sais pas jouer. Aux dames par contre, oui." Avant, comme à son habitude, de se contredire. "Je lui ai parlé, oui, mais pas de ça. Je lui ai bien envoyé le mot pour l'émission." Pourquoi ? "Ben, ça allait passer à la télé."

Un autre élément n'est, lui, jamais passé à la télé, rappelle Me Vautrin, avocate de la mère de Cyril : "nulle part on n'a vu ou lu que l'enfant au pantalon baissé était le plus grand." La confidence de Francis Heaulme ne peut pas lui avoir été soufflée. "Et elle correspond à la réalité."