Harcèlement : "Twitter ne peut pas être le seul lieu où s'exprime cette parole"

"Ce qu'il faut c'est pouvoir garder toutes les preuves et agir en justice", rappelle Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.
"Ce qu'il faut c'est pouvoir garder toutes les preuves et agir en justice", rappelle Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.
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C.O. , modifié à
En France, des milliers d’internautes dénoncent des cas de harcèlement sexuel, en réaction à l'affaire Weinstein. Mais pour pouvoir agir vraiment, les victimes doivent avant tout porter plainte, rappelle Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
INTERVIEW

Un appel à dénoncer le harcèlement sexuel au travail est devenu viral sur Twitter ce week-end, sous le hashtag #balancetonporc, donnant lieu à de multiples témoignages visant des agresseurs quasi-exclusivement anonymes, dans la foulée du scandale Weinstein aux États-Unis. "Cela permet de faire savoir que le harcèlement sexuel est partout. 20% des femmes vont être au cours de leur carrière professionnelle victimes à un moment ou un autre de harcèlement sexuel", relève Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, invitée lundi sur Europe 1.

"Cela permet de montrer le caractère massif des violences mais cela ne mettra pas fin à l'impunité. Pour pouvoir agir contre les personnes qui vous ont fait violence, il faut porter plainte, il faut se diriger en interne vers les responsables des ressources humaines, les délégués du personnel, c'est de cette manière-là et seulement de cette manière-là qu'on pourra mettre fin à l'impunité", insiste-t-elle.

Elles s'exposent à d’éventuelles plaintes. D'autant que les femmes qui donnent le nom de leur harceleur sur les réseaux sociaux s'exposent à d’éventuelles plaintes, précise Katia Dubreuil, secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature, invitée également au micro de Maxime Switek. "Cela peut être considéré comme des faits de dénonciations calomnieuses ou de la diffamation. Tout dépend si ces femmes qui ont donné le nom de certains de leurs agresseurs ont par ailleurs fait une action en justice", détaille-t-elle.

Entendu sur europe1 :
Il faut pouvoir garder toutes les preuves et agir en justice

Ne pas étouffer la parole des femmes. "Ce qu'il faut, c'est pouvoir garder toutes les preuves et agir en justice. Car c'est de cette manière que les femmes pourront faire valoir le fait qu'elles ont subi un préjudice", complète Anne-Cécile Mailfert, qui rappelle combien il est important par ailleurs de ne pas étouffer la parole des femmes. "On ne peut pas dire d'un côté aux femmes 'il faut parler' et juste après qu'il ne faut plus parler. Pour passer de l'indignation à l'action, c'est à nous, c'est aux entreprises, c'est aux pouvoirs publics, aux commissariats de mettre en place tous les canaux de communication, pour que Twitter ne soit pas le seul lieu où va s'exprimer cette parole".

Entendu sur europe1 :
on a très peur qu'il y ait des menteuses

On a peur qu'il y ait des menteuses, mais c'est un phénomène massif. Selon elle, ces dénonciations via ce hastag #balancetonporc n'ont donc rien d'un tribunal populaire. "Tout de suite, on a très peur qu'il y ait des menteuses. Or, on sait que c'est un phénomène massif, tous les chiffres le montrent. L'immense majorité des femmes victimes de harcèlement ne le disent jamais. Il n'y a que 5 % d'entre elles qui portent plainte", complète la présidente de la Fondation des Femmes qui demande au pouvoir politique d'agir pour changer les choses.

Des réponses doivent être trouvées "dans l'ensemble de la société". "Ce n'est pas que la police ou la justice qui peuvent répondre à un phénomène de cet ampleur, qui est la preuve que dans notre société on a encore du mal à considérer que la honte doit être du côté de celui qui agresse et non des personnes qui sont victimes", ajoute Katia Dubreuil.  "C'est dans l'ensemble de la société qu'il faut qu'il y a des réponses".

 

Verbaliser le harcèlement de rue : "Ce n'est pas faisable"

Les deux femmes ont également réagi lundi à la proposition de loi portée par Marlène Schiappa. La secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes prévoit de verbaliser le harcèlement de rue dans une future loi contre "les violences sexistes et sexuelles". "Ce n'est pas faisable. Ce n'est pas la bonne voie pour régler ce type de fait. Dire que l'on va mettre un policier derrière chaque femme, c'est illusoire", assure Katia Dubreuil, secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature. 

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, est de son avis, "même si je trouve que la loi a toujours un caractère pédagogique", nuance-t-elle."En réalité, les choses changeront quand on mettra des moyens sur la table, quand on va sensibiliser les hommes dès qu'ils sont petits garçons, quand on va mettre en place une campagne gouvernementale contre les violences".