De la Macédoine à Calais, la protestation des bouches cousues

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M.B. avec AFP , modifié à
RÉFUGIÉS - Plusieurs migrants iraniens se sont cousu la bouche en signe de protestation, mercredi et jeudi à Calais. Un geste déjà accompli par certains de leurs compatriotes il y a quelques mois.

Le geste est de ceux qui, spectaculaires, ravissent les caméras et marquent durablement l'opinion. Jeudi, à Calais, neuf migrants iraniens se sont cousu la bouche avec des aiguilles et du fil. La veille, huit réfugiés de la même nationalité, dont deux militants associatifs, avaient accompli le même geste. Dans les deux cas, les migrants, tous des hommes, ont pris soin de se coudre la bouche sous l'œil vigilant des photographes et des cameramen, avant de défiler dans le camp de Calais. "Ils ont fait ça eux-mêmes, de façon peu sanitaire, stérilisant des aiguilles en les chauffant", a témoigné mercredi Olivier Marteau, responsable de Médecins sans frontières.

Geste symbolique. Les réfugiés ont joint le message au geste symbolique, brandissant des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des slogans en anglais. "Est-ce que vous allez nous écouter, maintenant ?", "Nous sommes des êtres humains" ou encore "Où est votre démocratie ? Où est notre liberté ?". Certains migrants ont indiqué qu'ils menaient une grève de la faim. Ils entendaient ainsi protester contre l'évacuation d'une partie de la "jungle" calaisienne et la destruction des abris de fortune dans lesquels ils vivaient. Dans un communiqué, la préfecture, qui n'a mentionné que "deux migrants" qui se seraient cousu la bouche, a reconnu que "de tels faits ne peuvent que susciter une profonde émotion". "Pour autant, rien ne justifie de telles extrémités", a-t-elle déclaré.

Un précédent en Macédoine. Ce n'est pas la première fois que des réfugiés iraniens protestent en se cousant la bouche. En novembre dernier, plusieurs d'entre eux avaient également employé cette méthode lorsqu'ils s'étaient retrouvés bloqués à Idomeni, à la frontière gréco-macédonienne. La Macédoine avait en effet instauré un barrage filtrant en fonction des nationalités, refusant de laisser entrer les migrants d'origine iranienne. 

Un mode de protestation qui se répand. Se coudre la bouche est un mode de protestation qui s'est répandue ces dernières années. Des demandeurs d'asile l'ont employé à plusieurs reprises, notamment en 2002, dans un camp en Australie, pour protester contre les délais de procédure des autorités australiennes. En 2012, deux Iraniens l'avaient également fait pour obtenir du gouvernement allemand la reconnaissance de leur statut de réfugié politique.

Mais le symbole est aussi utilisé pour d'autres causes que celle des migrants. En 2014, des étudiants vénézuéliens s'étaient cousu les lèvres pour réclamer la libération de jeunes prisonniers politiques et protester contre le régime oppressif de Nicolas Maduro, le président du pays. L'année précédente, c'était un ouvrier originaire du Caucase et venu travailler sur le chantier des Jeux olympiques de Sotchi qui avait fait ce geste symbolique. Il visait alors les conditions de travail dans la ville russe.