Controverse autour d'un camp d'été "décolonial" qui s'ouvre jeudi

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Capture d'écran du site internet du camp d'été décolonial.
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Margaux Baralon avec AFP , modifié à
Un séminaire réservé aux personnes victimes de "racisme structurel" est organisé à partir de jeudi à Reims. Certains crient à la discrimination "anti-blanc". 

C'est un "camp d'été" un peu particulier. Du 25 au 28 août, un séminaire de "formation à l'anti-racisme politique" est organisé au Centre international de séjour de Reims. Au programme : 36 ateliers et  formations, comme du media training ou une introduction à l'afro-féminisme, et des tables rondes. Une trentaine d'intervenants et 180 participants sont attendus.

Réservé aux victimes de racisme. Ce séminaire qui, selon son site internet, "s'inscrit dans la tradition des luttes d'émancipations décoloniales anti-capitalistes et d'éducation populaire", est accessible sur inscription. Avec une condition : il est "réservé uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d'État en contexte français". Autrement dit, tout individu ne pouvant justifier d'être victime de ce racisme ne pourra pas mettre les pieds dans ce camps d'été, même en tant que simple observateur, et même s'il accompagne une autre personne concernée.

Les organisatrices de l'événement, Sihame Assbague, militante notamment au Cran et au CCIF, et Fania Noël, militante afro-féministe et porte-parole du collectif "Stop au contrôle au faciès", assument ce choix. Dans un texte publié sur Internet, elles estiment que cette non-mixité leur semble "indispensable à l'auto-émancipation et l'auto-organisation" des personnes victimes de racisme. Pas question pour elles de transiger.  

"Racistes antiracistes". Mais pour certains, l'exclusion revendiquée d'individus qui ne subissent pas le racisme s'apparente à du "racisme anti-blanc". Gilles Pennelle, élu Front national, a pointé sur Twitter un "séminaire interdit aux blancs". Quant à Raphaël Enthoven, philosophe et chroniqueur sur Europe 1, il a fustigé des "racistes antiracistes".

Ils ne sont pas les premiers à s'insurger. Interpellée par un député Les Républicains sur ce sujet en avril dernier, alors que l'annonce de la tenue du camp venait d'être faite, la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, avait condamné des initiatives "inacceptables", estimant qu'elles confortaient "une vision racisée et raciste de la société qui n'est pas la nôtre".

La Licra monte au créneau. Pour Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), ce camp d'été est "une injure faite au combat antiraciste et à la République". Lui n'hésite pas, sur son blog, à établir un parallèle entre les organisatrices du séminaire et les "assemblées du Ku Klux Klan". "En France, il n'existe pas de 'racisme d'État'", juge-t-il, contrairement, par exemple,  au régime de Vichy ou à celui de l'apartheid en Afrique du Sud.

Sur le papier, rien d'illégal. Reste la question de la légalité du camp décolonial. Sur le papier, rien n'indique qu'il est interdit aux personnes ayant la peau blanche. Les organisatrices jugent d'ailleurs que ce critère n'est pas pertinent pour évaluer si une personne est ou non victime de racisme. "On peut être arabe, avoir "la peau blanche" et être impactée par le racisme d'État", font-elle valoir. "La couleur de peau est loin de constituer le seul marqueur" de l'appartenance à une catégorie discriminée.

Le maire de Reims en appelle à l'État. Il n'y a donc rien de juridiquement répréhensible dans cette initiative. "Rien ne permet d'interdire cette rencontre à ce jour", a d'ailleurs fait savoir la ville de Reims, qui siège au conseil d'administration du centre de séjour où se déroule le camp. Le maire (LR) de la commune, Arnaud Robinet, s'est dit "impuissant" dans un communiqué, en appelant à la responsabilité du gouvernement. "Je tiens à dénoncer le double discours de l'État sur ce sujet crucial, qui vient ajouter de la tension à la tension dans un contexte de fragilité nationale sans précédent en permettant à de telles manifestations de se tenir", a-t-il dénoncé. En revanche, la directrice du centre international de séjour, Martine Solczanski, a expliqué que l'événement ne lui posait "pas de problèmes".

La question de la légalité du séminaire pourrait se poser si, parmi les personnes inscrites, certaines se voient refuser le droit d'entrée. Et peuvent prouver que leur exclusion est basée sur des critères précis, comme l'âge, la couleur de peau ou le sexe. "Si l'accès est vraiment restreint, cela devient illégal", résume ainsi Noémie Michel, responsable de l'antenne rémoise de la Licra.