Comment les archéologues procèdent pour identifier les Poilus

Le squelette de Louis Mion a été découvert alors que des lotissements s'apprêtaient à être construits là où il était enterré. Photo d'illustration.
Le squelette de Louis Mion a été découvert alors que des lotissements s'apprêtaient à être construits là où il était enterré. Photo d'illustration. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Pauline Jacot et Rémi Pierre, édité par Thibaud Le Meneec
Le nom de Louis Mion sera inscrit sur l'Anneau de la mémoire sera gravé, jeudi après-midi, deux ans après la découverte du squelette de ce Poilu dans le Pas-de-Calais.
ON DÉCRYPTE

"Il s'appelait Louis Mion et son surnom, c'était Johannès. On voit sa plaque militaire, ses boutons de vareuse, sa boucle de ceinture." Parler ainsi de son arrière-arrière-grand-oncle, "ça me touche", confie le petit Yannis Mion, 8 ans. Car son ancêtre est le dernier Poilu à avoir été formellement identifié par les archéologues, il y a deux ans. Il sera d'ailleurs au centre de la cérémonie à Notre-Dame-de-Lorette jeudi après-midi dans le Pas-de-Calais, car son nom va être gravé sur l'Anneau de la mémoire, qui rend hommage aux soldats de la Première Guerre mondiale.

Un squelette découvert près de Lens fin 2016. Retour à Annay-sous-Lens, dans le Pas-de-Calais, en novembre 2016. On s'apprête à y construire une quarantaine de lotissements mais comme le lieu est aussi l'un des théâtres de combats de la Grande Guerre, c'est systématique, des archéologues spécialisés viennent vérifier sur place s'il n'y a pas, sous terre, des vestiges qu'il faut préserver. Laetitia Dalmau et son équipe commence à creuser minutieusement l'endroit. "On est tombés sur un squelette", raconte l'archéologue.

Protocole strict. "Il était avec des boutons de vareuse 'à la grenade française', un motif qui permettait l'identification des soldats entre les uns et les autres. Ces boutons n'ont pas excédé 1916." Il y a aussi une plaque, mais elle est illisible et il faut la restaurer. On retrouve des bottes en cuir, des pièces de monnaie, tout est nettoyé. Ensuite, les gendarmes viennent constater la découverte, et un agent du ministère des armées récupère l'ensemble. C'est le protocole, il est très strict. Par exemple, si un archéologue tombe sur un soldat anglais, il n'a pas le droit d'y toucher, il doit obligatoirement contacter les services britanniques.

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Une faible probabilité d'identifier un Poilu. Aujourd'hui, la science est d'une aide précieuse pour ces découvertes : on peut ainsi faire des prélèvements ADN, mais c'est très rare, ça coûte aussi très cher, et on n'est pas sûr de réussir à croiser ces données-là avec celles d'éventuels descendants. Cela fait du cas de Louis Mion une histoire exceptionnelle : il a été retrouvé, et surtout identifié. Le département du Pas-de-Calais ne retrouve qu'une dizaine de soldats chaque année, parmi lesquels les archéologues n'en identifient qu'un ou deux maximum. 

Et lorsque ces Poilus sont identifiés, c'est un moment très fort pour les familles. On leur rend une partie de leur histoire. Ce n'est pas simplement un corps et la possibilité de l'inhumer dignement : on leur donne aussi ce jour-là une mine d'informations sur la vie de leur ancêtre. Grâce au fichier des régiments, on connait le moindre déplacement des soldats, jour par jour, et cela permet d'éclairer la famille sur ce qu'ont été les derniers mois, et même les derniers jours de leur aïeul. "On se rend compte qu'il a dû souffrir énormément pendant cette guerre, qu'il était seul et surtout qu'il n'est jamais revenu dans son village et qu'il n'a jamais revu ses parents et ses frères", explique Catherine, la mère de Yannis. "C'est un côté assez triste dans cette histoire, mais il y a aussi de la fierté de savoir qu'il a pu être inhumé et qu'il a aujourd'hui un endroit où l'on pourra se recueillir."

Un "camarade" pour les anciens combattants d'aujourd'hui. Deux ans plus tard, la fierté évoquée par Catherine reste intacte. "On lui a rendu un hommage comme si c'était un soldat qui venait de décéder dans une guerre présente en Afghanistan ou au Mali", relate l'oncle de Yannis et arrière-petit-neveu de Louis Mion, Alain. "Pour les anciens combattants, c'est un camarade alors que c'est quelqu'un qui est mort il y a cent ans." Jeudi après-midi, autour de l'Anneau de la mémoire, le souvenir du "camarade" Louis Mion sera une nouvelle fois célébré.