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A.D
L'historien Pascal Ory, invité sur Europe 1, rapproche les grands moments de commémorations de la Libération. Face à l'urgence et le besoin de valeurs, la société peut selon lui se montrer dynamique et positive.
INTERVIEW

Un an après les attentats du 13 novembre, la journée de dimanche est marquée par les hommages aux 130 victimes. Pascal Ory, historien et professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, était l'invité de l'émission C'est arrivé demain pour décrypter ce qui a changé dans la société en un an et comprendre ce qui se joue lors de cette cérémonie.

"On a vu le drapeu et La Marseillaise resurgir". La commémoration est, pour le spécialiste, indispensable. "Une Nation a toujours besoin de ces moments de commémoration, c'est à dire de se 're-souvenir' ensemble. La commémoration, c'est avoir de la mémoire plutôt que de l’amnésie." Ces cérémonies sont en général "guettées par l'indifférence avec le temps qui passe, l'éloignement des enjeux, le fait que certaines valeurs paraissent aller de soi ou que chacun en donne une définition différente, poursuit Pascal Ory. A un certain moment, tout le monde a donné sa définition du drapeau tricolore et plus personne n'était d'accord. Et puis, il y a les moments de chaleur collective qui sont souvent des moments dramatiques. C'est ce qui s'est passé l'année dernière et on a vu le drapeau tricolore et La Marseillaise ressurgir."

" Je fais la comparaison entre les marches républicaines de janvier 2015 et la Libération. "

L'historien souligne que les Français ont toujours eu un problème avec le drapeau, contrairement aux Américains par exemple. "Mais le drapeau est sorti de la Révolution. C'est un signe d'émancipation, de liberté, d'égalité. Dans la guerre civile franco-française, il a été accaparé, par exemple, par l'extrême droite. Mais on a compris d'où il venait l'année dernière." Pascal Ory rapproche les époques : "Je fais la comparaison entre les marches républicaines de janvier 2015 et la Libération".

"Faire masse dans une société individualiste". Quant aux annonces sur les réseaux sociaux "Je suis Charlie" ou "Je suis en terrasse", l'historien les lie avec la phrase du président Kennedy : "Ich bin ein Berliner". De même "la majorité des 4 millions de personnes qui défilaient n'étaient pas des lecteurs de Charlie mais ils étaient pour des valeurs, en particulier la liberté d'expression. Ces sont des manifestations de masse, mais d'individualistes. On peut faire masse dans une société individualiste.

L'historien a aussi "été sensible aux constitutions de lieux de mémoire sur les trottoirs, au Bataclan notamment. La société n'attendait pas que l'Etat lui dise de se réunir. Elle a fait commémoration d'une manière spontanée. Les valeurs en 1940-44 devenaient urgentes. En période de prospérité, ça s'amollit un petit peu, tout le monde se chamaille. Je pense qu'il faut croire à une sorte d'énergie de la crise. Nous ne sommes pas sortis de toutes les crises. Je pense que c'est dynamisant." Quant aux politiques, "ceux qui sont au pouvoir font leur job : commémorer, réunir, c'est ce que l'on attend d'eux. Une partie de la France considère que c'est insuffisant. Il y a un discours qui essaye d'unir et d'élever et un autre qui abaisse et qui divise."