Cinq questions sur le port de la cagoule par les policiers

Jusqu'ici, seules des unités spécialisées étaient autorisées à porter la cagoule au sein de la police (photo d'archives).
Jusqu'ici, seules des unités spécialisées étaient autorisées à porter la cagoule au sein de la police (photo d'archives). © AFP
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Une note diffusée début mars par la Direction générale de la police nationale préconise un usage de cette technique "à titre exceptionnel", pour préserver l'anonymat des fonctionnaires.

 

En coulisses, on en parle comme de "l'affaire de la cagoule". Depuis la promesse faite par Bernard Cazeneuve, fin octobre, de permettre aux policiers de dissimuler leur visage dans le cadre de certaines de leurs missions, d'âpres négociations dessinent les contours d'une mesure d'"exception". Et le port de la cagoule par les policiers de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), l'essentiel des troupes des gardiens de la paix, est pour bientôt. Le 9 mars, le dispositif a fait l'objet d'une note de la Direction générale de la police nationale (DGPN), révèle Le Parisien, lundi.  Cette dernière dessine avec précision les différentes missions dans lesquelles le morceau de tissu controversé pourra être revêtu.

Pour l'instant, qui est autorisé à porter la cagoule ?

Seules quelques catégories de policiers d'élite, largement minoritaires et définies par un arrêté du 7 avril 2011, "relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale".  C'est notamment le cas des brigades de recherche et d'intervention (BRI), des groupes d'intervention de la police nationale comme le Raid et le groupe d'intervention de la police nationale d'Outre-mer (GIPN), ou encore du groupe de sécurité chargé de la protection du président de la République.

À quoi ça sert ?

"La cagoule permet de garantir l'anonymat des fonctionnaires de police lors de missions spécifiques, soit parce qu'elles sont particulièrement dangereuses, soit parce qu'on estime qu'ils peuvent faire l'objet de mesures de surveillance et être reconnus", explique à Europe1.fr Benoît Barret, secrétaire national adjoint du syndicat Alliance. "D'autant qu'aujourd'hui, il est de plus en fréquent que nos collègues soient pris en photo ou filmés, puis se retrouvent sur les réseaux sociaux : ils sont identifiés auprès d'un public toujours plus large."

Pourquoi a-t-on décidé de l'étendre ?

"Cela fait plusieurs années que l'on demande des cagoules pour les agents de la sécurité publique, mais on nous répondait que c'était trop agressif pour le public", poursuit Benoît Barret. "Il a fallu plusieurs drames, notamment celui de Magnanville (où un couple de policiers a été tué par un homme qui avait fait allégeance à l'Etat islamique, en juin 2016, ndlr), pour que le pouvoir politique commence à changer d'avis."

Deux autres arguments ont pesé en faveur d'un élargissement du dispositif. Il y a d'abord la prolongation de l'état d'urgence, en vigueur depuis plus d'un an. "Lors de perquisitions administratives, on s'est retrouvés dans des situations où les seuls collègues au visage découvert étaient ceux issus de la sécurité publique, au milieu d'unités anonymisées. Pour eux, les risques étaient encore plus grands", souligne le secrétaire national adjoint. Les manifestations de policiers en colère, organisées à l'automne 2016, ont fini de convaincre le gouvernement. Évoquant une demande "légitime", le ministre de l'Intérieur a alors annoncé que des cagoules pourraient être revêtues pour "certaines interventions".

Dans quel cadre pourra-t-elle être utilisée ?

Les 80.000 cagoules commandées "ne sont pas encore tout à fait déployées sur l'ensemble du territoire national", indique Benoît Barret. "Le principe reste que les policiers travaillent à visage découvert : elles ne seront utilisées que dans des situations exceptionnelles", martèle-t-il. La note de la DGPN établit une liste de ces "situations", consultée par Europe1.fr. Les policiers de la DCSP pourront désormais porter une cagoule :

  • lors d'opérations en lien avec la radicalisation ou le terrorisme (notamment les perquisitions administratives)
  • lors d'opérations en lien avec le grand banditisme, ou considérées comme à risque en raison de la dangerosité des personnes concernées
  • lors d'opérations d'extraction ou de transfert de détenus particulièrement signalés
  • lors d'interventions dans le voisinage immédiat d'un ou plusieurs agents de police, susceptibles d'être reconnus
  • lors de missions d'assistance aux services listés par l'arrêté de 2011, comme le Raid ou la BRI

En cas d'intervention programmée, l'accord pour le port de la cagoule devra être donné en amont et mentionné par écrit. En cas d'urgence, il sera acté par le chef de service ou son adjoint.

Pourquoi ne fait-elle pas l'unanimité ?

Pour ses détracteurs, cette révision de la doctrine du port de la cagoule présente un risque principal : celui d'une tension des relations entre police et population, qui ne seraient plus sur un pied d'égalité. "La cagoule est un moyen de dissuasion, destiné à intimider, voire à susciter la crainte. Elle permet au fonctionnaire de se prémunir des interactions avec la population. Ne pas pouvoir lire une expression sur le visage fait partie du rapport de force que l'on induit", estime Christian Mouhanna, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, interrogé par Le Parisien. Sollicité par Le Figaro, le ministère de l'Intérieur rassure : "Même si de fortes tentations sont parfois motivées par une certaine appréhension, personne n'imagine des patrouilles cagoulées dans les cités."