"Chemise arrachée" : Air France devant la justice pour "atteinte au droit de grève"

Le 5 octobre 2015, lors d'un CCE, Xavier Broseta et Pierre Plissonnier avaient été violentés par des manifestants.
Le 5 octobre 2015, lors d'un CCE, Xavier Broseta et Pierre Plissonnier avaient été violentés par des manifestants. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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avec AFP , modifié à
Dans un communiqué, Air France a dénoncé "l'artifice qui consiste à transformer les victimes en prévenus et les prévenus en victimes."

L'épisode de la "chemise arrachée" qui avait traumatisé Air France revient vendredi devant la justice mais, cette fois, c'est la compagnie qui est visée, aux côtés de deux sociétés de sécurité, poursuivies par la CGT pour "immixtion dans un conflit social". La CGT d'Air France, quatrième syndicat de l'entreprise, a appelé à un rassemblement devant le tribunal de Bobigny à 9h30, avant l'audience qui se tiendra à 10h15. 

"Immixtion dans un conflit social". Le 5 octobre 2015, une manifestation devant le siège de la compagnie à Roissy avait dégénéré quand des grévistes avaient envahi la salle où venait d'être annoncé en Comité central d'entreprise (CCE) un plan de restructuration menaçant des milliers d'emplois. Les images de deux dirigeants d'Air France fuyant, l'un torse nu, l'autre la chemise en lambeaux, la colère des manifestants, avaient alors fait le tour du monde. Jugés pour les violences commises ce jour-là, trois anciens salariés ont été condamnés en novembre 2016 à des peines de prison avec sursis et deux relaxés. Ils seront jugés en appel à Paris en mars, ainsi que l'un des deux relaxés. Ce sont ces quatre-là qui ont assigné, avec la CGT, leur ancien employeur devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Poursuivie pour "complicité d'immixtion dans un conflit social", l'entreprise comparaîtra aux côtés des sociétés privées Lancry Protection Sécurité et International Security network division protection, ainsi que six de leurs agents.

De prévenus à victimes. "Air France dénonce fermement l'artifice qui consiste à transformer les victimes en prévenus et les prévenus en victimes", a réagi la compagnie dans un communiqué. Elle rappelle que la manifestation avait été autorisée "exclusivement" devant le siège et que c'est l'envahissement du CCE qui a précipité l'intervention des vigiles, permettant ainsi d'éviter "le pire".  En outre, ces derniers avaient été recrutés uniquement dans le but d'assurer "la protection rapprochée" des dirigeants, au vu de "l'ambiance tendue" au sein de la compagnie. Ainsi, "ce n'est pas la société de sécurité qui s'est immiscée dans le conflit, mais la manifestation qui est entrée par effraction dans le siège d'Air France", fait-elle valoir.

Une "atteinte au droit de grève". Mais pour Me Lilia Mhissen, qui représente la CGT et deux ex-salariés, ces entreprises avaient clairement "pour mission d'empêcher le rassemblement" sur le parvis et de bloquer les accès au siège. Et ce faisant, Air France a "porté atteinte au droit de grève", a-t-elle ajouté. "La loi est claire sur le sujet: une direction d'entreprise n'a pas le droit de faire appel à des sociétés de sécurité pour s'immiscer dans un mouvement de grève. C'est pourtant ce qui s'est passé le 5 octobre 2015", a indiqué de son côté la CGT d'Air France, pour qui cette décision a contribué au "climat de tension".

Ce procès "engage la question de l'exercice du droit syndical, du droit de grève et de la légalité d'un piquet de grève", a ajouté la CGT, appelant dans un communiqué "l'ensemble des salariés et des organisations syndicales du pays" à soutenir son action devant le TGI de Bobigny.