Le centre de déradicalisation de Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire) devait accueillir une vingtaine de candidats. 2:00
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Salomé Legrand et O.G , modifié à
Deux mois après l'ouverture du premier centre de déradicalisation de Beaumont-en-Véron, le gouvernement rencontre des difficultés à trouver les candidats adéquats. Europe 1 a mené l'enquête. 
ENQUÊTE EUROPE 1

Que se passe-t-il derrière les hauts murs du centre de réinsertion pour jeunes radicalisés de Beaumont-en-Véron, dans l'Indre-et-Loire ? Depuis qu’il a accueilli ses premiers pensionnaires mi-septembre, le quotidien des pensionnaires se passe bien mais, selon les informations d’Europe 1, l’État peine à trouver les bons candidats. Ils devaient être une vingtaine début novembre. Ils ne sont que six. Trois femmes, trois hommes, aux bons soins d’une vingtaine d’éducateurs spécialisés dans la grande bâtisse de pierres blanches. "Le circuit de sélection des candidats est plus long que prévu", confirme l’un des responsables du centre.

"Donner un peu de sérénité au centre". Et les critères ultra-précis sur lesquels l’État s’est engagé auprès des élus locaux ne facilitent pas la tâche des préfets : des jeunes entre 18 et 30 ans, en voie de radicalisation mais pas fichés, pas assignés à résidence et surtout volontaires. "On expérimente, on tâtonne", martèlent en cœur tous les intervenants de ce centre qui a vocation à en inspirer d’autres. Les autorités en charge du centre ont quelques profils actuellement à l’étude. Objectif : accueillir 15 nouvelles personnes d’ici fin décembre. Mais elles assument "prendre leur temps", pour "travailler en amont leur adhésion au programme" et "donner un peu de sérénité au centre". 

Prières quotidiennes. C’est qu’après des débuts mouvementés, la dynamique prend. Selon les informations recueillies par Europe 1, durant la première semaine, certains jeunes ont menacé de rentrer chez eux. Plusieurs accrochages et grands débats ont également éclaté. Sur la place des cinq prières quotidiennes par exemple. Plusieurs pensionnaires voulaient les faire à heure fixe, quitte à s’absenter des activités, certains prétextant même aller aux toilettes. Hors de question pour la direction. Il a fallu de longues discussions avec, entre autres, l’aumônier musulman du centre pour qu’ils acceptent de les faire dans leurs chambres, sur leur temps libre. "Qu'ils débattent sur la place de la prière est une bonne chose, ça fait partie du processus",  explique l’un des responsables, qui insiste : "c’est bien que les jeunes aient participé à la discussion sur leur propre prise en charge".

"Certains n’avaient jamais vécu ça dans leurs familles". Même problématique avec les repas pris en commun avec les éducateurs et même parfois la direction. Certains pensionnaires voulaient s’isoler, mais désormais "ils y prennent goût", raconte un membre du staff qui détaille : "Ce sont de bons moments partagés, ils s’investissent à tour de rôle dans la cuisine, le couvert, la vaisselle". Et d’ajouter : "Certains n’avaient jamais vécu ça dans leurs familles". 

Manque de repères. Dans l'enceinte du centre, seul le voile laissant le visage apparent est autorisé, une seule femme le porte. Pour la barbe, la limite est plus compliquée à définir mais aucun pensionnaire ne l’arbore longue. Et éducateurs comme jeunes portent la même tenue. Des jeunes surtout "en manque de repères". Selon un des éducateurs, ces jeunes ont "plus un problème de manque de repères que de religion". Ils travaillent donc l’estime de soi. Et l’ouverture sur le monde, la culture, l’histoire, ils ont par exemple récemment visité deux châteaux de la Loire.

Mais ces bons retours de l’encadrement direct ne suffisent pas à calmer les inquiétudes des riverains. Deux mois après l'ouverture du centre, ils sont encore méfiants et multiplient les initiatives pour le faire fermer. Dernière en date, l’association "radicalement digne de Pontourny" tente de retrouver un membre de la famille qui a légué la bâtisse aux pouvoirs publics afin qu’il s’oppose, par voie de justice, à cet usage du bâtiment.