Calais : "en créant ou en démantelant un camp, on ne résout pas un problème"

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Hélène Thiollet, chercheuse au centre de recherches internationales de Sciences Po, était l’invitée d’Anne Sinclair, samedi matin, pour traiter de la question des migrants. 

Calais, "point de fixation". Samedi matin, Hélène Thiollet, chercheuse au CERI de Sciences Po, est revenue sur le cas particulier de cette ville du nord de la France, dernière étape avant la Grande-Bretagne, Eldorado pour bon nombre de migrants. Invitée d'Anne Sinclair, l'enseignante en relations internationales a livré son analyse sur la situation calaisienne, alors que le démantèlement de "la jungle", exigé par la préfecture d'ici mardi prochain, se prépare à grand pas.   

Un problème qui remonte à plus de 20 ans. En France, Calais incarne le "point de fixation symbolique du rapport de l’opinion publique avec cette question de la migration et de l’asile", estime Hélène Thiollet. Dans cette commune d'un peu plus de 70.000 habitants, c'est une "vieille histoire" qui remonte aux années 1990 et "s’est matérialisée en 1999 avec le camp de Sangatte". Ce camp de fortune, où près de 67.000 migrants ont transité, d'après La Croix-Rouge, entre la date de sa création et celle de son démantèlement, en 2002, par Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur.

"C'est une vieille histoire des tâtonnements de la gestion de l'asile et de la migration" qui concerne "un tout petit nombre de personnes", poursuit la spécialiste des migrations internationales, même s'il y a beaucoup de "turn over". "Quelques milliers de personnes", loin des chiffres de la Grèce, l'Italie ou encore l’Allemagne, qui a l’habitude "d’accueillir des chiffres millionnaires", indique-t-elle. Mais, tempère la spécialiste, la position outre-Rhin correspond "à un besoin de l’économie allemande, manifesté très clairement par les entreprises allemandes". "Il faut donc être assez pragmatique et ne pas voir là qu’une démarche exclusivement éthique", souligne-t-elle.

"Un manque d'anticipation et de rationalité". La situation de Calais est en ce sens symptomatique d'un "manque d’anticipation et de rationalité dans la gestion d'un problème, qui est petit dans les années 1990, et qu’on va enkyster dans des enjeux idéologiques", analyse Hélène Thiollet. "En créant ou en démantelant un camp, on ne résout pas un problème", pointe-t-elle. Au contraire, "si on veut s'occuper d'une population, notamment une population petite numériquement, de réfugiés et de demandeurs d'asile, on a intérêt à s'en occuper rapidement et à, très très vite, les intégrer dans des dispositifs classiques de l'aide sociale, dans le marché du travail, en leur donnant par exemple les moyens d'apprendre le français, de se former", suggère la chercheuse.

Des apprentissages et mesures qui permettront ensuite aux migrants de "se disperser au sein d'une société et de devenir très vite des membres productifs de cette société", développe cette spécialiste, convaincue qu'une "gestion plus apaisée et plus rationnelle, mêlant les enjeux sociaux économiques et idéologiques, de la part des pouvoirs publics" permettrait d'éviter "les abcès de fixation".

>> Retrouvez l'interview de Hélène Thiollet par Anne Sinclair, dans son intégralité, en cliquant ici