Brustier : "Nuit Debout, une forme de radicalisation face à la gauche radicale"

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A.D , modifié à
Pendant deux semaines, il a étudié le mouvement Nuit debout. Gaël Brustier était samedi l'invité d'Anne Sinclair, à qui il a livré ses conclusions.
INTERVIEW

Qui compose "Nuit Debout" ? A quoi ce mouvement peut-il mener ? Va-t-il durer ? Gaël Brustier, politologue, vient de publier "#Nuit debout. Que penser ?" après quinze jours d'étude de ceux qui investissent la place de la République. Il était l'invité d'Anne Sinclair samedi pour décrypter ce mouvement, vieux d'un mois et demi. Premier constat pour le spécialiste, le mouvement génère beaucoup d’idées et correspond à son époque, c’est-à-dire qu'il est marqué par une certaine forme de radicalisation des mouvement sociaux, avec son lot de casseurs et de mouvements autonomes, comme l'a démontré l’attaque d’une voiture de police mercredi.

La défaite de la gauche européenne. La source ne serait autre que "la défaite sur tous les plans des gauches au sens large" (la gauche au gouvernement, la gauche radicale et la gauche européenne) d’où l’idée d’essayer autre chose dans la veine d’Occupy Wall Street et des Indignés de Madrid, dans un espace devenu symbolique et synonyme de recueillement, la Place de la République."

Une issue politique ? "Nuit Debout mérite d’être écouté parce que c’est une vérité de la France", explique-t-il. Mais au-delà de ce constat de réelles difficultés sociales, le mouvement a-t-il vraiment la capacité de changer les institutions ? "Il y a une mise en cause de la verticalité tel que Pablo Iglesias et Podemos l’incarnent, la prise de pouvoir en Espagne après le mouvement des Indignés. Les textes qui circulent en ce moment indiquent que le pire serait d’avoir un Podemos à la française, c'est-à-dire une transposition politique du mouvement dans les institutions. Quand on accepte le jeu des institutions, on accepte de changer la société par les institutions, mais aussi on accepte un peu d’être changé par les institutions."

Cette recherche de pureté par un certain nombre empêcherait une issue politique. "Il y a une vraie défiance à l’égard de tout ce qui est incarnation. Certains estiment que Tsipras ou Podemos sont déjà des traîtres aux combats qu’ils ont porté. C’est aussi une forme de radicalisation face à la gauche radicale." 

"Poussées violentes". Le mouvement peut-il durer ? Gaël Brustier exprime sa peur du remake d'un Mai 68 italien "qui a duré très peu de temps, qui a créé peu de mouvement de masse mais qui a rampé pendant 10 ans." Le scénario ne se présente pas comme tel à l'heure actuelle. "Mais si certains voient que leur rêve de changer les choses est déçu, cela pourrait donner des poussées potentiellement violentes."