Bientôt des drones pour suppléer les caméras de vidéosurveillance ?

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Le maire d'Asnières veut introduire des drones dans la sécurité publique © ETHAN MILLER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Caroline Politi , modifié à
Le maire Les Républicains d’Asnières-sur-Seine prône l’utilisation de drones pour lutter contre la délinquance dans sa commune. 

Les pigeons devront-ils bientôt cohabiter avec des drones dans le ciel d’Asnières-sur-Seine ? C’est en tout cas le projet du maire Les Républicains, Manuel Aeschlimann. L’édile de la commune des Hauts-de-Seine souhaite compléter son dispositif de vidéosurveillance – actuellement composé de 75 caméras - avec ces engins volants. "Les caméras fixes ont prouvé leur efficacité dans la lutte contre la délinquance", assure-t-il à Europe1.fr, citant l’interpellation en juillet de trois jeunes femmes cachant des armes blanches ou une arrestation la semaine dernière après un feu de poubelle. "Mais on ne peut pas quadriller la ville. On ne va pas mettre une caméra dans chaque ruelle."

L’ancien conseiller technique de Nicolas Sarkozy espère, avec un tel dispositif, enrayer le trafic de drogue qui sévit dans certains quartiers limitrophes de la commune. "La gendarmerie ou la police nationale utilise des hélicoptères pour surveiller des endroits difficilement accessibles, comme les toits des immeubles ou pour suivre les mouvements de foule pendant une émeute. Les drones permettraient de faire la même chose à moindre coût", abonde Philippe Steeve, chargé de communication du syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM).

" Il faut des hommes sur le terrain pour faire du renseignement effectif "

Une efficacité dont doute Alain Bauer, professeur en criminologie au conservatoire des arts et métiers. "Les caméras, qu’elles soient mobiles ou fixes, ne sont qu’un outil. Elles fournissent de la matière mais il faut savoir où chercher et pour cela il faut des hommes sur le terrain pour faire du renseignement effectif", explique-t-il à Europe1.fr. En clair : à moins de tomber au bon moment au bon endroit, il est illusoire de penser qu’on puisse démanteler un trafic en tombant par hasard sur des actes délictuels. D’autant que ce dispositif est bruyant et peut être repéré de loin par les trafiquants. Tout comme les caméras de surveillance fixes, l’utilisation de drones pourrait aboutir à un simple déplacement du trafic dans les angles morts ou au sein même des bâtiments.

Manuel Aeschlimann espère malgré tout qu’elles pourraient avoir un aspect dissuasif. "L’objectif est de créer un sentiment d’insécurité permanente chez les délinquants qui s’adonnent à des activités illégales". "L’attentat de Nice a prouvé que les caméras de surveillance n’ont jamais empêché quiquonque de commettre un délit ou un crime", s’emporte Alain Bauer. Selon le chercheur, les études ont montré que la vidéosurveillance était avant tout efficace pour détecter et résoudre des événements répétitifs. Des problèmes de circulation sur des axes identifiés ou des stationnements gênants ou illégaux…

Protection de la vie privée. Et même si la ville de Paris vient d’autoriser le vol de drone une fois par mois dans ses murs, la législation interdit en principe de faire voler ces engins au-dessus des agglomérations. Pour obtenir une autorisation, le maire d’Asnières-sur-Seine compte donc soumettre son projet à l’Etat à la commission départementale de vidéoprotection dans les prochaines semaines. Cette instance, composée du préfet, de juristes et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) devra décider si les raisons exposées par l’élu sont suffisantes pour autoriser la présence de drones sur son territoire.

Elle devra également s’assurer que les engins respectent la vie privée. Les caméras fixes ne sont en effet autorisées à ne filmer que la voie publique. Les jardins ou les intérieurs filmés à travers une fenêtre sont pixellisés. L’exercice sera, par essence, plus difficile avec des drones. Le survol à plusieurs dizaines de mètres de hauteur filmera obligatoirement des espaces privés. Conscient des problèmes éthiques que peut susciter un tel dispositif, le maire d’Asnières-sur-Seine indique qu’il s’est déjà renseigné auprès de fabricants qui lui ont assuré qu’il était possible de flouter certaines zones.

Problèmes d’effectif. Autre difficulté : les images des drones comme celles des caméras de surveillance nécessitent d’être minutieusement analysées pour être utiles. "Les études ont montré qu’on ne peut surveiller attentivement que neuf écrans en même temps", assure Alain Bauer. Or, la commune d’Asnières-sur-Seine ne compte que 55 policiers municipaux. Reste que les caméras rassurent. Selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2013, 83 % des Français se disaient favorables à l’utilisation de la vidéosurveillance. Et la vague d’attentats devrait conforter cette idée : de plus en plus de gens se disent prêts à sacrifier leurs libertés pour plus de sécurité.