Bébés nés sans bras : encore beaucoup de questions, et peu de réponses

© François Coulon / Europe 1
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et François Coulon, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Après l'annonce de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, d'une nouvelle enquête dans l'affaire des bébés nés sans bras, Europe 1 fait le point sur les investigations que l'Etat a décidé de prendre en main. 

Scandale sanitaire ou simple coïncidence ? Depuis quelques semaines, "l'affaire" des bébés nés sans bras reste inexpliquée. Et si une enquête a été lancée après les révélations d'Emmanuelle Amar, la directrice du registre des malformations de Rhône-Alpes et lanceuse d'alerte, il reste à ce jour beaucoup de questions. Et peu de réponses. 

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Différencier les cas de l'Ain et de Bretagne

Certes, des cas groupés de malformations chez les nouveaux nés ont été observés dans l'Ain (7 naissances entre 2009 et 2014), en Loire-Atlantique (3 naissances entre 2007 et 2008) et dans le Morbihan (4 naissances entre 2011 et 2013), mais il est impossible à l'heure actuelle de lier tous ces cas.

Les premiers cas identifiés remontent à 2009, dans un périmètre de 17 kilomètres autour du village de Druillat, dans l’Ain. Sept cas d’agénésie y sont repérés entre 2009 et 2014 par le Registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera), un organisme d’alerte sanitaire local. Selon ce dernier, cette fréquence est 58 fois plus élevée que la normale. Mais pour l'agence Santé publique France, qui a publié un rapport début octobre, "l'analyse statistique ne met pas en évidence un excès de cas dans le département par rapport à la moyenne nationale". 

Les choses sont différentes dans l'Ouest de la France, où l'agence sanitaire a reconnu "un excès de cas". En seulement deux ans, quatre naissances dans la seule commune de Guidel (Morbihan) ont été détectées.

Des enquêtes insatisfaisantes...

Les autorités s'écharpent sur la méthode statistique employée, car aucune n'est satisfaisante. L'enquête de terrain diligentée par les autorités sanitaires, qui a pris la forme d'un questionnaire adressé aux parents, n’a rien donné. "On m’a simplement demandé mes habitudes de consommation : si j’utilisais tel ou tel gel douche, si j’achetais mes légumes en grande surface ou sur les marchés", explique au micro d'Europe 1 Melinda, la mère de Léo, 7 ans, né sans main gauche et premier des quatre cas recensés à Guidel, dans le Morbihan. "Hormis ça, rien d’autre n’a été fait ! Un simple questionnaire n'est pas une étude sérieuse", lâche-t-elle.

La malformation dont est victime le petit Léo apparaît entre la 3ème et la 10ème semaine de grossesse, or les enfants sont tous nés à des périodes différentes. Et les cas d'animaux qui seraient nés malformés ont été détéctés hors de la zone, donc aucune piste ne tient la route. 

Alors le registre des malformations et les autorités ont mené l'enquête sur place, vérifié les épandages agricoles, consulté les bases d'accidents industriels, de pollution des sols, mais ils ne sont pas allés vérifier la réalité des déclarations sur le terrain. Donc si quelqu'un a menti, on ne le sait pas. Et comme il n'y a pas eu de nouveau cas depuis 2013, on s'oriente davantage vers un événement particulier. "Tant qu'on aura pas creusé la piste de la cause environnementale, on alimentera les soupçons", explique Jo Daniel, le maire de Guidel. "Par exemple, il y a une usine classée Seveso a proximité. Il faut sûrement que l'on ne s'interdise aucune direction dans cette enquête", ajoute-t-il.

... Et une nouvelle enquête lancée

Alors, après une première enquête de Santé Publique France qui n'a rien donné, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé s'est engagée à en mener une nouvelle. Elle pourrait permettre de tester, par exemple, les pesticides utilisés à l'époque, mais aussi les agents qui peuvent provoquer ces malformations - il y en a des dizaines : peintures, solvants, médicaments, etc.

Avec le ministre de la Transition écologique François de Rugy, "nous avons décidé de relancer une enquête" avec l'Anses et Santé Publique France pour avoir des "regards croisés" de médecins et d'experts de l'environnement, a déclaré Agnès Buzyn le weekend dernier lors du "Grand jury" RTL-Le Figaro-LCI. "On ne peut pas se satisfaire de dire qu'on n'a pas trouvé de causes, c'est insupportable", a-t-elle ajouté. 

Est-ce que des gens ont une prédisposition génétique pour réagir à tel ou tel produit ? C'est possible. L’enquête pourrait également recouper les questionnaires adressés aux parents avec d'autres études menées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) qui travaille sur les cas de cancers associés aux zones agricoles. Et, surtout, mettre en place un fichier national des malformations pour qu'on puisse étudier ces phénomènes, qui restent toujours inexpliqués.