Bac d'histoire-géo 2017 : les corrigés des sujets en série S

Pour les élèves de la filière S, l'épreuve d'histoire-géographie, coefficient 3, durait trois heures.
Pour les élèves de la filière S, l'épreuve d'histoire-géographie, coefficient 3, durait trois heures. © FREDERICK FLORIN / AFP
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Notions à aborder, construction du sujet, pièges à éviter… Un professeur d'histoire-géographie s'est prêté au jeu de la correction des sujets de série S du bac d'histoire-géo sur lesquels ont planché les candidats vendredi.
LA FRANCE BOUGE

Deuxième round pour les élèves de Terminale. Après la philosophie en hors d'œuvre jeudi, la matinée de vendredi était consacrée à l'histoire-géographie. Une épreuve de trois heures, notée coefficient 3 pour les élèves de la filière S. Et cette année, c'est l'histoire qui est tombée en majeure, avec un sujet de dissertation à choisir parmi les deux suivants : "La Chine et le monde depuis 1949" ou "Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration, opinion publique". Yohann Chanoir, professeur au lycée Jean-Jaurès de Reims, livre pour Europe 1 les éléments-clé qu'il fallait mobiliser.

Sujet 1 : La Chine et le monde depuis 1949

  • Les notions à aborder

"Le sujet ne pose pas de difficultés particulières. Tout élève ayant révisé son cours est capable de produire une composition de qualité", explique Yohann Chanoir.

"Les connaissances à mobiliser sont d’abord événementielles. Il faut connaître quelques dates clés de l’histoire chinoise, comme 1949, 1958, 1963, 2001 etc. Les concepts à évoquer sont centrés autour de la notion de puissance (se dit d’un État capable d’exercer une influence à différentes échelles dans des domaines différents), de ses modalités (hard power, soft power) et du contexte international (Guerre froide, décolonisation, non-alignement, mondialisation…)", précise le doctorant à l'EHESS.

  • La construction du sujet

"Il convient d’abord, dans une introduction, de définir ce qu’est la Chine (il y a en effet plusieurs Chines à partir de 1949, la Chine communiste et continentale, la Chine nationaliste de Taïwan), d’expliquer la date de 1949 (accession au pouvoir des communistes dirigés par Mao le 1er octobre 1949), de préciser à quelle date on arrête son analyse et d’expliciter "et le monde". Le sujet se focalise ainsi sur les relations entre la Chine et les autres nations de la planète. La problématique se déduit donc aisément de la définition des termes du sujet. Un(e) candidat(e) pouvait aussi évoquer dans la problématique, les évolutions, les mutations de ces relations entre l’État chinois et le reste du monde. Le plan le plus commode est un plan chronologique. Ne pas oublier dans le cadre de ce sujet d’expliquer, dès l’introduction, les dates charnières, qui sont assez évidentes : 1978, date de l’accession de Deng Xiaoping au pouvoir, 2001, l'entrée de la Chine dans l’OMC.

La première partie se concentre sur la période 1949-1978, une période marquée par la construction de la Chine communiste. Il convient d‘abord d’évoquer l’alliance avec l’URSS jusqu’à la rupture en 1963, puis la politique étrangère de la Chine (participation à la guerre de Corée entre 1950 et 1953, soutien aux nationalistes indochinois jusqu’en 1954, incarnation du non-alignement avec l’Inde…) et, enfin, les particularités du maoïsme qui possède une dimension internationale évidente (le Grand Bond en avant avait comme objectif de rattraper l’Angleterre en 15 ans, la Révolution Culturelle a séduit de nombreux étudiants et intellectuels européens - on pense à Jean-Luc Godard et son film La Chinoise - , pour terminer sur le bilan à la mort de Mao en 1976. La Chine a certes retrouvé sa pleine souveraineté mais est un des pays les plus pauvres de la planète (produit intérieur brut annuel par habitant de 300 dollars) et ne réalise qu’un centième du commerce mondial pour un quart de la population mondiale.

Dansune deuxième partie, comprise entre 1978 et 2001, il convenait d’évoquer l’action entreprise par Deng Xiaoping qui permet à la Chine de devenir une puissance internationale. Il importait ainsi d’expliquer les réformes (politique des quatre modernisations, création des ZES…) qui transforment la Chine en puissance économique, d’évoquer la politique étrangère et militaire (récupération de Hong Kong en 1997, de Macao en 1999, modernisation de l’outil militaire dans le but de devenir une puissance régionale) et de rappeler que malgré les modernisations économiques, la Chine reste un régime autoritaire (répression du Printemps de Pékin en 1989…) que les sanctions internationales - timides - ne font pas évoluer", continue le professeur.

"Dans une troisième et dernière partie, ouverte en 2001, les candidats pouvaient analyser la place de la Chine par rapport au reste du monde, une puissance majeure (2011, la Chine devient la première puissance manufacturière du monde, mais elle est aussi une puissance spatiale, une puissance nucléaire, héritage de Mao), s’interroger sur sa dimension éventuelle de superpuissance (utilisation du soft power avec notamment mais pas seulement les Jeux Olympiques de Beijing, le rôle joué par sa diaspora…) et poser les limites de cette puissance (monnaie maintenue artificiellement à un niveau bas, accentuation des inégalités sociales entre la Chine du littoral et celle de l’intérieur, question du Tibet qui empoisonne les relations de la Chine avec d’autres États mais sans remettre en cause les investissements occidentaux en Chine)".

  • Les pièges à éviter

"Le risque majeur de ce sujet, c’est de ne pas constamment garder en tête les relations entre la Chine et le monde. Le sujet ne porte pas sur l’histoire interne de la Chine mais sur ses relations avec les autres nations. Il ne faut donc pas insister trop longtemps sur des événements intérieurs sans en dégager la dimension internationale. De même, attention à ne pas verser dans la géographie, en reprenant sans réfléchir des éléments d’un des thèmes vus en géographie", conclut Yohann Chanoir.

Sujet 2 : Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration, opinion publique

  • Les notions à aborder

"Le sujet relève de la partie du programme portant sur les échelles de gouvernement. Il semble plus complexe que le précédent, mais ne réclame que des connaissances vues en cours, qu’il convient de mettre en évidence par un plan pertinent. Les notions à aborder sont nombreuses", prévient le professeur. "Des concepts comme gouvernance (mise en œuvre d’une politique complexe par une institution pour assurer la régulation d’un pays et d’une société), État, État-providence, déconcentration, nationalisations, privatisations etc. sont attendus, tout en n’oubliant pas les modalités avec lesquelles l’opinion publique réagit à ces actions. Les termes de mutation et de permanence sont aussi au cœur de cette composition."

  • La construction du sujet

"Le sujet réclame d’abord une définition de ses différents termes, qu’il convient de ne pas dissocier mais d’associer. Les candidats sauront mettre en évidence la conception particulière du rôle de la puissance publique en France, ses domaines d’intervention, tout en précisant qui prend les décisions et les relations entre la puissance étatique et la société, évoquée ici par le terme d’opinion publique, déjà étudiée dans le cadre de la leçon sur les médias. Pour les bornes chronologiques, 1946 constitue le début de la Quatrième République. Chaque impétrant pouvait conduire sa réflexion jusqu’à nos jours, sans toutefois, sauf en conclusion, mobiliser des événements de l’Histoire immédiate. Si un plan thématique était possible, le plan chronologique est le plus balisé et est à même de rassurer les candidats, car il permet d’insister sur le cœur de la réflexion attendue : l’évolution du rôle de l’État en France.

La première partie pouvait se concentrer sur la période 1946-1958, marquée par le renforcement du rôle de l’État, 1958 constituant la fin de la Quatrième République. Après avoir évoqué les réformes de structures de la Libération et le développement d’un État-providence, les candidats pouvaient mettre en avant le nouveau rôle de l’État dans les relations sociales (SMIG, rôle des entreprises publiques comme laboratoire social…).

Dans une deuxième partie, ouverte en 1958 (création de la Cinquième République) et pouvant être close en 1973 (fin des "Trente Glorieuses" ou de la transition modernisatrice), les candidats pouvaient évoquer le nouveau modèle de gouvernement qui émerge, avec un rôle de plus en plus marqué des hauts fonctionnaires ("techniciens" du gouvernement Pierre Mendès France, place importante des hauts fonctionnaires dans les gouvernements à partir de 1958). Il convenait aussi de montrer la continuité entre la Quatrième République et la Cinquième : l’État sous de Gaulle et Pompidou continuant à exercer un rôle économique et social majeur (création de la DATAR, programmes publics comme le Concorde, le TGV, Accords de Grenelle…). Enfin, les futurs bacheliers pouvaient mettre en évidence les limites rencontrées par l’action publique, comme les grèves (grèves des mineurs en 1963, mouvement de mai 1968…) ou l’action de "nouveaux mouvements sociaux" dès la fin des années 1960, comme les autonomistes en Corse…).

Dans une troisième et dernière partie, il s’agirait plutôt de s’intéresser à la période ouverte en 1973, qui ouvre une phase où le rôle de la puissance publique est questionné et où les équilibres économiques et budgétaires limitent son action. Les candidats pouvaient alors mettre en avant le nouveau contexte rencontré par l’action publique, comme la mondialisation de plus en plus prégnante, l’européanisation, qui oblige d’avoir des politiques concertées et qui s’accompagne d’une réduction des prérogatives de la puissance publique (comme la monnaie), mais aussi insister sur une puissance publique capable de se réformer (lois de décentralisation amorcées sous le premier septennat de François Mitterrand et poursuivies par différents gouvernements comme le montre la réforme sur la régionalisation de 2015), de se déconcentrer (délocalisation de l’ENA à Strasbourg en 1991, création de l’antenne du Louvre à Lens en 2012…). Bref, si la puissance publique est moins présente dans l’économie, elle l’est davantage dans la société (RMI en 1988, CMU…), dans le but de lutter contre les déséquilibres sociaux nourris par ce nouveau contexte."

 Les pièges à éviter

Selon Yohann Chanoir, "le risque majeur de ce sujet est de vouloir tout dire. Les correcteurs n’attendent pas l’exhaustivité mais quelques idées fortes bien mises en évidence par un plan pertinent. La chronologie fondamentale se devait d’être maîtrisée mais sans sombrer dans l’événementiel. Il ne s’agissait pas de bâtir une composition sur l’histoire politique de la France depuis 1946. Il convenait de garder à l’esprit la problématique du sujet pour ne pas verser dans le hors-sujet".