Attentats : jusqu'à 30.000 euros pour les victimes "d'angoisse de mort imminente"

Selon les estimations encore provisoires du Fonds, 3.000 à 3.500 personnes environ pourraient bénéficier de ces nouvelles dispositions.
Selon les estimations encore provisoires du Fonds, 3.000 à 3.500 personnes environ pourraient bénéficier de ces nouvelles dispositions. © AFP
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avec AFP , modifié à
Mandaté par le gouvernement, un groupe d'experts avait préconisé en mars l'indemnisation des préjudices d'angoisse et d'attentes pour les victimes et leurs proches. 

Les victimes d'attentats pourront toucher jusqu'à 30.000 euros pour "préjudice d'angoisse de mort imminente", a décidé lundi le Fonds chargé de leur indemnisation, prévoyant aussi jusqu'à 5.000 euros pour les proches des victimes décédées. Le conseil d'administration du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) était réuni pour décider des modalités de mise en oeuvre et d'éligibilité de deux nouveaux préjudices spécifiques aux victimes du terrorisme, reconnus en mars par le Fonds.

Le "préjudice d'angoisse de mort imminente" vise à "prendre en compte l'angoisse intense des victimes qui ont vu venir la mort", a expliqué le directeur général du Fonds, Julien Rencki. Ce préjudice sera présumé pour les victimes décédées, et établi par un expert médical indépendant pour les blessés, physiquement ou psychologiquement. Il sera compris entre 5.000 et 30.000 euros. Le second préjudice concerne les proches des victimes décédées: "On indemnise l'attente et l'inquiétude que les proches des personnes décédées ont ressenties", précise Julien Rencki. Ils pourront bénéficier d'une indemnisation comprise entre 2.000 et 5.000 euros. 

Le Fonds a par ailleurs décidé de modifier les modalités d'une indemnisation existante, le "préjudice exceptionnel spécifique aux victimes du terrorisme" (PESVT) qui ne concernera dans le futur que les victimes directes des attentats. L'indemnisation ne concerne pas les proches des blessés.

"Approfondir l'indemnisation des victimes". Le ministère de la Justice a salué lundi dans un communiqué une "avancée majeure" qui garantit une "réparation effective et intégrale" aux victimes d'attentats, "en particulier pour celles qui sont les plus gravement atteintes". "Il y a une volonté d'approfondir l'indemnisation des victimes les plus gravement touchées et de leurs proches, plutôt que d'élargir le périmètre des personnes indemnisées", a confirmé Julien Rencki.

"Cela me permet d'acter mon statut de victime et de pouvoir peut être avancer dans la vie", explique Emmanuel, 30 ans et rescapé du 13 novembre 2015. "Cela fait un an et demi que je me bats sur l'après 13 novembre, ce sont des souffrances. J'ai besoin qu'elles soient reconnues. Qu'on me dise 'oui vous avez été victime du terrorisme' et l'indemnisation est la clé pour ça", ajoute-t-il encore. Mais il déplore que l'indemnisation ne concerne pas les proches des blessés. "L'attente et l'inquiétude a été la même pour certains parents de blessés et certains parents de décédés. Ça aurait du s’indemniser. Je ne comprends pas pourquoi il y a une différence de traitement."

Faire rentrer les victimes "dans des cases". "C'est un recul, ce n'est absolument pas une avancée", s'est pour sa part insurgé Me Éric Morain, avocat de familles de victimes de l'attentat de Nice, qui dénonce un préjudice aux familles des blessés "considérablement diminué". "On essaie de faire rentrer avec un chausse-pied le nombre de victimes dans des cases, par rapport à un budget", a-t-il estimé, parlant d'une décision qui "va multiplier les contentieux et les colères", et "scandaliser" les familles des victimes.

Un coût qui pourrait atteindre les 20 millions d'euros. Selon les estimations encore provisoires du Fonds, 3.000 à 3.500 personnes environ pourraient bénéficier de ces nouvelles dispositions, qui devraient être mises en place dans les prochaines semaines. Son coût est "très difficile à évaluer" mais pourrait atteindre 20 millions d'euros, selon Julien Rencki. La prise en compte du "préjudice d'angoisse" générée par la conscience d'une mort imminente avait été réclamée par de nombreux avocats et associations de victimes d'actes de terrorisme, notamment pour les personnes touchées par la vague d'attaques qui a frappé la France depuis 2015.

2.8000 personnes reconnues victimes dans les attentats de Paris. Quelque 2.800 personnes ont été reconnues victimes dans les attaques de Paris et de Saint-Denis, qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés. Plus de 2.100 demandes d'indemnisation ont été adressées au FGTI pour l'attentat de Nice, qui a fait 84 morts et plus de 400 blessés.