Attentat de Nice : un projet longuement mûri

Des traces papillaires de l'un des complices présumés du tueur de Nice ont été retrouvées sur la portière passager du camion de l'attaque.
Des traces papillaires de l'un des complices présumés du tueur de Nice ont été retrouvées sur la portière passager du camion de l'attaque. © AFP
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De nouveaux éléments d'enquête attestent que Mohamed Lahouaiej Bouhlel a "envisagé et mûri son projet criminel plusieurs mois avant" et a bénéficié de complicités. 

Les premières investigations avaient révélé que l'attentat commis à Nice, lors du 14-Juillet, par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, était prémédité. Mais on ne se doutait pas encore que l'attaque meurtrière avait été si longuement préparée. Une semaine jour pour jour après le drame ayant fait 84 victimes et plus de 300 blessés, François Molins a indiqué, jeudi, lors d'une conférence de presse que les derniers éléments de l'enquête permettaient de"confirmer plus encore le caractère prémédité" de l'acte criminel. Alors que cinq suspects - quatre hommes et une femme - ont été déférés jeudi matin dans le cadre de cette enquête, puis mis en examen et écroué dans la soirée, le procureur de la République de Paris a confirmé que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait bien "bénéficié de soutiens et de complicités dans la préparation et la commission de son acte criminel".

  • Une préméditation de longue date

Grâce à l'exploitation des données des téléphones portables et de l'ordinateur du tueur de Nice, les enquêteurs ont découvert que Mohamed Lahouaiej Bouhlel s'intéressait en réalité depuis plus d'un an à la commission de son attaque meurtrière. Dans le portable du suspect, les policiers ont en effet retrouvé un cliché "du feu d'artifice de Nice", le 14 juillet 2015.

Trois jours plus tard, Mohamed Lahouaiej Bouhlel photographiait cette fois "un concert sur la Promenade des Anglais, avec divers zooms sur la foule", a indiqué le procureur. Le 15 août 2015, le Tunisien de 31 ans prenait un nouveau cliché de feu d'artifice à Nice, "toujours avec un focus sur la foule". François Molins a par ailleurs rappelé, que le 1er janvier dernier, Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait pris en photo un article de Nice-Matin daté du même jour, et intitulé "Il fonce volontairement sur la terrasse d'un restaurant".

D'autres clichés d'articles ont été trouvés : l'un portant sur l'assaillant Tunisien abattu devant le commissariat de la Goutte d'Or, à Paris, en janvier dernier, et celui d'une interview d'un médecin sur les attentats du 13-Novembre. Autant d'éléments qui prouvent que le tueur de Nice "semble avoir envisagé et mûri son projet criminel plusieurs mois avant son passage à l'acte", a souligné le procureur de la République de Paris. 

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L'exploitation des données téléphoniques et informatiques du suspect a permis d'établir qu'il avait bien des complices et mûrissait son projet meurtrier depuis plusieurs mois. (Crédit photo : AFP)

  • Et des soutiens 

D'autant que des échanges réguliers entre le terroriste et ses complices présumés, durant les mois et les jours précédant l'attentat, viennent "corroborer cette préméditation", a ajouté le procureur. C'est d'ailleurs grâce à des "éléments de téléphonie" que les cinq suspects, soupçonnés d'avoir participé "à la préparation du passage à l'acte", ont pu être interpellés et placés en garde à vue, avant d'être mis en examen. Dans le téléphone du tueur de Nice, les enquêteurs ont mis la main sur la photo "d'une feuille manuscrite", sur laquelle apparaissaient dix numéros de téléphone associés aux prénoms "Ramzi" (Ramzi A.) et "Chokri" (Chokri C.). 

"Coupe les freins mon ami, et je regarde" 

Mohamed Lahouaiej Bouhlel et ses complices présumés ont eu de "nombreux contacts entre eux", a précisé François Molins. En l'espace d'un an - entre juillet 2015 et juillet 2016 -, Mohamed Lahouaiej Bouhlel et l'un de ses complices présumés (Mohamed Oualid G.) ont ainsi eu 1.278 échanges téléphoniques. Le 10 janvier 2015, ce dernier écrivait par SMS au tueur de Nice : "Je ne suis pas Charlie… Je suis content ils ont ramené les soldats d'Allah pour finir le travail".

Mohamed Oualid G. a également filmé avec son portable la scène du crime, la Promenade des Anglais, le lendemain de l'attaque. Le 4 avril dernier, l'un des gardés à vue, Chokri C. conseillait lui à Mohamed Lahouaiej Bouhlel, via un message privé sur Facebook : "charge le camion, met dedans 2.000 tonnes de fer, et nique, coupe-lui les freins mon ami, et moi je regarde", a cité François Molins.

D'autre part, les liens entre le terroriste et ses complices présumés "transparaissent aussi sur les éléments dans le camion et sur la fourniture d'armes", a indiqué le procureur. Ainsi, des traces papillaires de Chokri C. ont notamment été retrouvées sur la portière passager du camion, et ce dernier a été filmé par les caméras de vidéosurveillance au côté de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, lors de l'un des repérages, dans la cabine du camion. 

On sait également que le pistolet automatique a été fourni à Mohamed Lahouaiej Bouhlel, par trois de ses complices, et qu'il s'est félicité auprès de l'un d'eux (Ramzi A.), dans un ultime SMS juste avant l'attentat, de lui avoir procuré cette arme, tout en lui demandant d'autres. Une kalachnikov a par ailleurs été découverte dans une cave à Nice, lors d'une perquisition, à partir des indications que Ramzi A. a donné aux enquêteurs. "On ne sait pas à quoi était destiné" ce fusil d'assaut, a précisé François Molins, qui a ajouté que l'enquête devrait notamment s'attacher à savoir si les suspects "entendaient acquérir d'autres armes, et si oui, dans quel but". 

Qui sont les cinq complices présumés ? 

Dans le cadre de l’enquête sur l'attentat de Nice, quatre hommes et une femme ont été interpellés vendredi et samedi dernier. Aucun de ces cinq complices présumés n'était connu des services de renseignement. Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire à leur encontre "des chefs de participation à une association de malfaiteurs terroristes, en vue de la préparation d'un ou plus crimes d'atteinte aux personnes". Il a également demandé leur placement en détention provisoire. Dans la nuit de jeudi à vendredi, ils ont été mis en examen et écroués.

Jeudi soir, Chokri C., Mohamed Oualid W. et Ramzi A. ont notamment été mis en examen pour "complicité d'assassinats en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste", a précisé le parquet. Ramzi A. a également été mis en examen pour "infractions à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste", de même qu'un couple d'Albanais, Artan H. et Enkeledja Z. Ces trois derniers suspects sont soupçonnés d'avoir participé à la fourniture du pistolet avec lequel Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tiré sur des policiers avant d'être abattu.