Attentat de Nice : un photographe se souvient

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C.P.-R. , modifié à
C’était l’un des premiers journalistes sur place. Valery Hache, photographe à l’AFP raconte le soir de l’attaque meurtrière à Nice. 

Ses clichés illustrent (presque) tous les articles qui, depuis jeudi soir, traitent de l’attaque meurtrière à Nice. Revendiqué samedi matin par l’Etat islamique, l’attentat a fait au moins 84 morts et 200 blessés. Valery Hache, photographe pour l’AFP, était sur place pour initialement prendre des clichés du feu d’artifice, lancé à 22 heures, pour célébrer le 14-Juillet et des quelque 30.000 personnes qui s’étaient réunies sur la Promenade des Anglais pour y assister. Il a été l’un des premiers photographes sur place, et fait le récit de cette soirée ayant viré au cauchemar, sur le blog de l’AFP, Making-off, Les coulisses de l'info.

"Je me suis dit que quelque chose n’allait pas". "L'horreur a commencé à m'envahir quand j'ai entendu les sirènes. Trop stridentes. Puis j'ai aperçu des colonnes de camions de pompiers. Trop nombreux", commence Valery Hache. "Je me suis dit que quelque chose n’allait pas." Pourtant, ce soir-là, le photographe avait plutôt l’esprit tranquille. "L’Euro s'était terminé et nous avions tous poussé un grand ‘ouf’ de soulagement. Pendant le championnat de football, et notamment pour la finale que j'ai couverte à Paris, tout le monde craignait une attaque, tout le monde vivait cette sorte d'attente tendue en arrière-plan."

" L’Euro s'était terminé et nous avions tous poussé un grand ‘ouf’ de soulagement "

"Tout le monde aime assister aux feux d'artifices". Ce soir-là, à Nice, souffle un air de vacances. C’est l’été, il fait chaud. "Je me détendais et prenais du plaisir à photographier les feux d'artifice annuels de Nice." Sur les hauteurs de la ville, Valery Hache prend des dizaines de clichés. En bas, la Promenade des Anglais est noire de monde. "Tout le monde aime assister aux feux d'artifices. Surtout les familles avec enfants." Valery Hache rentre chez lui, n’envoie qu’une photo au bureau de l’AFP à Paris, "une image de feux d'artifice sur fond d'éclairs". 

"Il y a des terroristes à Nice". A peine dix minutes plus tard, le bruit des sirènes. "J'ai attrapé mes caméras et j'ai enfourché ma moto". Son téléphone sonne, un ami journaliste : "Quelque chose de grave est arrivé sur la promenade des Anglais". Après avoir prévenu l’AFP, "j'ai foncé, aussi près que j'ai pu de la promenade", raconte-t-il. "Des centaines de personnes couraient dans tous les sens. Certaines criaient. D'autres pleuraient. 'Terroristes! Ce sont des terroristes ! Ils tirent! Il y a des terroristes à Nice'".

La photo du 19 tonnes semant la mort. Le photographe entend des tirs, dont il ignore la provenance. "J'ai continué à marcher, tentant de déchiffrer la situation. La police a commencé à boucler le quartier. J'aperçois un grand camion, le pare-brise criblé d'impacts de balles, entouré de policiers. Je m'arrête et je prends quelques images." Parmi celles-ci, cette fameuse image du camion, "à la Une des journaux aujourd'hui", et au volant duquel se trouvait Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans. "C'est ce camion qui a foncé sur la foule, sur près de deux kilomètres, roulant sur tous ceux qui ont eu la malchance de croiser sa folle trajectoire".

CAMION

Le poids lourd de 19 tonnes a parcouru près de 2 km, à vive allure, fauchant mortellement sur son passage au moins 84 personnes et en blessant 200. (Crédit Valery Hache/AFP) 

Les survivants. Autour de lui, "les gens courent, désorientés". Plus loin, certains sont à terre : "Je commence à me rapprocher et je réalise que je dois envoyer au plus vite les photos que j'ai déjà prises. Je ne sais rien encore de ce qui s'est passé et encore moins du nombre de victimes : plus de 80". Le secteur entier est bouclé. "Les gens étaient en panique. Certains se serraient dans les bras, d’autres en larmes s’étreignaient devant moi. Les survivants." 

"Des corps partout". Valery Hache parvient finalement à atteindre le tronçon de la Promenade des Anglais où le camion blanc a lancé sa course meurtrière. "Il y a des corps partout. Couverts de draps, blancs et bleus. Je prend des photos sans vraiment croire ce que je vois dans mon viseur. Des corps gisent tout le long de la principale avenue de Nice".

Nice, cinquième ville de France et station balnéaire appréciée, réputée. "Une ville touristique, de plage, détendue. Et les corps gisent un peu partout devant moi. Certains corps sont si menus. Des enfants. Leurs parents devaient être si heureux de les emmener assister à un feu d'artifice."