Armer systématiquement les policiers municipaux "a surtout une valeur symbolique"

police municipale 1280
© SEBASTIEN NOGIER / AFP
  • Copié
Romain David
Invités de Wendy Bouchard sur Europe 1, le criminologue Christophe Soullez et le commandant de police Christophe Rouget se montrent très nuancés sur cette préconisation phare d'un rapport rendu mardi au Premier ministre.
LE TOUR DE LA QUESTION

C'est un vieux débat que l'Assemblée nationale remet sur le devant de la scène. Un rapport remis mardi au Premier ministre, et piloté par deux élus LREM, l'ancien chef du Raid Jean-Michel Fauverges et la député de la Drôme Alice Thourot, préconise d'armer obligatoirement les policiers municipaux, "sauf décision motivée du maire".

Nous vous avons demandé sur Facebook si vous estimiez qu'il fallait armer l'ensemble des forces de l'ordre, et sur 2.000 votes à 8h45 jeudi, vous êtes 64% à avoir répondu "oui". Invités de Wendy Bouchard sur Europe 1 pour faire le tour de la question, le criminologue Christophe Soullez et le commandant de police Christophe Rouget sont loin d'avoir un avis aussi tranché.

La sécurité corrélée à l'armement ?

"Il y a des policiers municipaux qui veulent être armés pour leur sécurité, et on peut le comprendre dans un contexte de menace qui a évolué", reconnaît Christophe Rouget. Un constat partagé par plusieurs internautes sur la page Facebook d'Europe 1. "Avant les attentats, j’aurais dit non, mais vu que ceux qui portent un uniforme deviennent des cibles, je suis pour", a ainsi réagi Neal. Néanmoins, si la menace terroriste a fait des forces de l'ordre des cibles privilégiées, aucune donnée ne laisse actuellement penser qu'un armement systématique leur permettrait de mieux accomplir leurs différentes missions. "Est-ce que l'armement de la police municipale a amélioré la sécurité des citoyens ? On ne le sait pas. Il n'y aucun chiffre, aucune étude", pointe Christophe Rouget.

Et d'autant plus que cette mesure, si elle venait à rentrer en application, ne révolutionnerait pas nécessairement les pratiques, dans la mesure où une très large partie des forces municipales sont déjà armées, sur décisions des édiles et avec l’accord du préfet. "80% des agents de police municipales sont armés, dont 45% d'une arme à feu. Ça reste quand même un chiffre très important", indique Christophe Soulliez, qui est également chef de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici 

Un symbole, mais peu d'impact

Pour ces deux spécialistes, ce type de préconisation a surtout valeur de totem, et cherche d'abord à avoir un impact psychologique sur les citoyens et éventuellement les délinquants. "Ça a plus une valeur symbolique, de reconnaissance et de meilleure visibilité des effectifs de police municipale. Mais ça n'est pas en les armant que ça va avoir, demain, un impact sur la sécurité de la population", assure Christophe Soullez. "Il y a peu de chances que le policier ou le gendarme, dans sa carrière, sorte son arme, et heureusement !", relève-t-il.

Redéfinir les missions de chacun

Pour lui, l'armement systématique des policiers municipaux risque surtout d'ajouter de la confusion au milieu des différents corps chargés d'assurer la sécurité en France. "À quoi ça sert, à ce moment-là, d'avoir une police nationale si elle a les mêmes moyens et les mêmes missions que la police municipale ?", interroge-t-il. "Les deux sont complémentaires, mais aucune ne doit se substituer à l'autre", pointe également Miguel sur la page Facebook d'Europe 1. Par ailleurs, le contexte terroriste et la sur-mobilisation des forces de l'ordre sur le plan Vigipirate a contribué à brouiller la réparation des rôles.

"C'est un capharnaüm de sécurité. Suivant les endroits et les régions, tout le monde fait n'importe quoi, se marche sur les plates-bandes", déplore Christophe Rouget. Pour ce commandant, "il faut sortir des symboles et des actes de communication politique", et se tourner vers des mesures autrement plus concrètes pour lutter contre la criminalité. Du point de vue de la police municipale, il préconise notamment un plus grand travail sur la prévention, la multiplication des missions de contact - auprès des commerçants par exemple -, ou encore l'utilisation de la vidéo-surveillance. Des recommandations partagées par le patron de l'Observatoire de la délinquance, qui conclut : "Je ne suis pas contre l'armement, mais il ne doit pas être une fin en soi."