Ariane Chemin : "Trappes est une ville follement romanesque, pour le meilleur et le pire"

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Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué, grands reporters au Monde, publient un nouveau livre, "La communauté". Une plongée au cœur de la ville de la banlieue ouest des Yvelines.
INTERVIEW

C'est une ville de 30.000 habitants. Une enclave pauvre de la banlieue ouest parisienne, au sein du chic département des Yvelines : Trappes. Où Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué, grands reporters au Monde, ont établi leurs quartiers le temps d'un enquête. Dans leur ouvrage La communauté, elles dressent le portrait de cette ville d'où sont originaires Omar Sy, Nicolas Anelka ou encore Jamel Debbouze. Mais une commune également détentrice d'un triste record européen, celui du nombre de candidats au djihad, partis en Syrie : 67 personnes.

"Comme dans tous les huis clos, les gens se connaissent". "On est parties à l'aventure. C'est pour cela que l'on a écrit La communauté comme une série. Cet enchevêtrement de destins permet de raconter un bout de notre histoire de France", explique Raphaëlle Bacqué dans Melting Pop, vendredi sur Europe 1. "C'est une ville follement romanesque, pour le meilleur et le pire", souligne de son côté Ariane Chemin. "C'est une petite commune qui a la particularité d'être fermée sur elle-même, entourée de bois. Et comme dans tous les huis clos, les gens se connaissent. (...) Omar Sy connaît quelqu'un qui est parti faire le djihad, un autre a été au club de football avec La Fouine... Tout s'entremêle", explique la journaliste.

L'arrivée de l'islam politique. Dans les années 1990, la ville Trappes est marquée par l'arrivée d'un islam politique, par des jeunes qui l'imposent à leurs parents. Les causes sont multiples et nombreuses, comme le décrivent les deux journalistes. D'un côté la disparition de la mixité sociale et ethnique, de l'autre l'effondrement du communisme municipal, mais aussi la drogue qui gangrène la ville. "La drogue, qui va ravager une partie des quartiers et des banlieues, terrifient les parents", décrit Raphaëlle Bacqué. "C'est sur ce sentiment d'abandon et de catastrophe qu'arrivent les premiers prédicateurs. Ils convainquent les enfants de prendre le chemin de la mosquée, et au fond, de sortir des caves et du deal."

Les deux journalistes ont donc passé plusieurs semaines sur place pour enquêter sur cette commune. "Trappes est une ville sympathique, on a adoré y aller et on a été très bien reçues", tient à souligner Ariane Chemin. "Et à la fois, il y a cette pression douce, sociale, qui s'exerce quand vous voulez inviter quelqu'un pendant le ramadan au café, où ne se trouvent que des hommes, et que la femme en face de vous vous dit : 'je suis désolée, je ne peux pas y aller car on ne me servira pas de café'."