"Il va falloir mettre le turbo sur l'antiterrorisme, mais aussi contre les discriminations”

François Heisbourg, spécialiste en géopolitique et conseiller spécial pour la Fondation pour la recherche stratégique.
François Heisbourg, spécialiste en géopolitique et conseiller spécial pour la Fondation pour la recherche stratégique. © Europe 1
  • Copié
, modifié à
François Heisbourg, spécialiste en géopolitique, invité sur Europe 1, pointe des manquements dans la lutte antiterroriste.
INTERVIEW

François Heisbourg est en colère. Dans son livre Comment perdre la guerre contre le terrorisme, ce spécialiste en géopolitique et conseiller spécial pour la Fondation pour la recherche stratégique pointe les défaillances du renseignement français pour empêcher des attentats terroristes. "Les services secrets avaient les radars tournés vers les bons endroits. Presque toutes les personnes participant aux actes de l’an dernier étaient fichées, étaient connues. Ce n’est pas une défaillance en amont, elle est dans l’exploitation du renseignement, elle est dans l’anticipation", explique-t-il au micro d’Europe 1, dans le Club de la Presse. "Il faut comprendre pourquoi. Dans ces cas-là, on crée une commission d’enquête et non une une petite commission administrative comme ça a été le cas."

"Ils n'ont pas tiré les bilans". "En janvier 2015, quand on retrouve la trace des frères Kouachi, on envoie à la fois le Raid et le GIGN pour s’occuper de deux 'glandus' qui s'étaient enfermés dans une imprimerie. Pendant ce temps-là, il y avait Coulibaly qui était armé et dangereux et qui a organisé une prise d’otages, et il a fallu rapatrier en urgence le Raid", rappelle François Heisbourg. "Ne pas tirer les bilans, ne pas essayer de comprendre pourquoi on s’est planté, c’est ça qui m’a mis en colère."

Réformer le renseignement. Selon le spécialiste en géopolitique, "pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faudrait faire des réformes en matière de renseignement. Il faut que le ministre de l’Intérieur prenne pleinement acte du fait que la gendarmerie est aussi rattachée à son ministère depuis 2009 et qu’il faut que les moyens soient alloués en fonction des besoins et non en fonction des corporatismes."

Éviter la discrimination. Aussi, il préconise de lutter contre la discrimination négative, citant l'exemple de la déchéance de nationalité, qui rend davantage audible le message des djihadistes, et de l’état d’urgence. "L’état d’urgence, c’est comme un couteau qui s’émousse, les terroristes s’habituent, et en même temps, les libertés publiques, elles, continuent de reculer. Et qui prend l’état d’urgence dans la figure, ce n’est pas "Nuit debout", ce sont les mecs dans les banlieues. Pour l’instant, les terroristes restent ultra-minoritaires, ils n’ont aucune représentativité substantielle. Mais si l'on veut éviter qu’il y ait une rencontre entre Daech et la population qu’il prétend représenter, il va falloir mettre le turbo sur l’antiterrorisme mais aussi sur les discriminations."