Anne Gi 9:32
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A.D , modifié à
Anne Giudicelli, directrice de Terr(o)risc, agence spécialisée dans le terrorisme international, estime qu'il faudrait mener une réflexion sur les fichés S, avant de mieux anticiper les attaques.
INTERVIEW

Le terrorisme a une nouvelle fois frappé, vendredi à Trèbes, dans l'Aude. L'Etat islamique s'est ainsi rappelé à la France, confirmant que le niveau de la menace reste élevé, comme l'a souligné Emmanuel Macron. Pour analyser l'actualité de cette menace, Anne Giudicelli, directrice de Terr(o)risc, agence spécialisée dans le terrorisme international, était l'invitée de l'émission C'est arrivé cette semaine.

"Redéploiement" de l'Etat islamique". La surprise n'était pas de mise pour la spécialiste car "la menace est persistante", martèle-t-elle. Le ministère de l'Intérieur avait d'ailleurs récemment indiqué avoir déjoué une vingtaine d'attentats. "Tous ceux qui suivent ces dossiers savent que les services de renseignement et de sécurité étaient au même niveau d'alerte. Et on connaît le caractère évolutif de cette menace qui est en situation de réaction, de repli et de redéploiement (...) Le fait d'avoir perdu son territoire a fait réfléchir l'Etat islamique à une nouvelle stratégie qui est celle d'un redéploiement pour exister partout, potentiellement."

La difficulté est aussi d'établir un lien réel avec l'Etat islamique. "C'est devenu complexe de savoir, dans chaque opération, s'il y a vraiment une stratégie commanditée ou s'il y a eu adéquation entre le projet Etat islamique et un projet personnel." L'auteur de l'attaque, abattu vendredi après-midi, avait 26 ans, vivait dans l'Aude depuis son enfance, ce qui a fait dire à Emmanuel Macron que la menace terroriste était "endogène", c'est-à-dire qu'elle venait de l'intérieur.

"On ne sait pas quand un individu passe à l'action". L'assaillant était également fiché S, religieux, et pratiquait le prosélytisme sur les réseaux sociaux. Il avait aussi fait un mois de prison, sans pour autant montrer de signe laissant présager un passage à l'acte. "Pour ce qui concerne l'Europe, c'est typiquement un profil qui rentre dans toutes les cases." Mais le problème, selon la spécialiste, est qu'"on ne sait pas quand un individu passe à l'action. C'est le grand trou noir de tous les profilers. Ce qui permet d'anticiper, ce sont des liens, contacts, rapports avec des cellules logistiques, tout ça peut être traçable si un individu est suivi." En l'espèce, cela avait été le cas pour l'assaillant avant un relâchement quelques mois avant l’attaque de vendredi.

La spécialiste s'interroge sur l'efficacité du fichage S, qui concerne 20.000 individus. "A quoi cela sert si ce n'est pas pour empêcher ce type d'actions ? Il y a probablement une réflexion à mener sur comment gérer ces identifications en termes de prévention d'action", souligne-t-elle. Mais elle se montre aussi mesurée face aux propos d'Emmanuel Macron qui a avancé l'expression de "menace islamiste". "Je vois l'approche qui est en train de se profiler en France : tout ce qui est musulman, très pratiquant est suspecté d'être une phase intermédiaire vers une action violente. Ça porte une crispation sociétale pas forcément appropriée", conclut Anne Giudicelli.