Anis A., le petit délinquant tunisien devenu djihadiste à Berlin

© Tobias SCHWARZ / AFP
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C.P.
L’auteur présumé de l’attentat d’un marché de Noël à Berlin a été abattu dans la nuit de jeudi à vendredi près d’une gare de banlieue à Milan, en Italie. 

Il était depuis lundi l’homme le plus recherché d’Europe. Si bien que sa tête avait été mise à prix par les autorités fédérales allemandes : 100.000 euros avait été promis à quiconque serait détenteur d’informations menant à la capture d’Anis A., le djihadiste présumé du marché de Noël berlinois.

Ce sont finalement les policiers italiens, lors d’un banal contrôle devant une gare de banlieue à Milan, qui ont mis un terme à sa cavale, au beau milieu de la nuit. Il a été abattu après avoir lui-même ouvert le feu contre un policier, le blessant légèrement. Si de nombreuses zones d’ombre demeurent sur son trajet depuis le soir de l’attentat, son parcours et sa radicalisation progressive s’éclaircissent.   

"Il vivait comme tous les jeunes." Dans la petite ville d’Oueslatia, au nord de la Tunisie, d’où est originaire Anis A., qui a fêté jeudi ses 24 ans, c’est la stupéfaction qui domine. Sa famille qui réside encore là-bas assure que le jeune homme n’était pas connu pour son activisme religieux. "Il vivait comme tous les jeunes, il buvait (de l'alcool) (...) il ne faisait ni prière, ni rien du tout", assure à l’AFP Walid, un de ses frères. Il était, en revanche, loin d’être un inconnu des services de police. Il a été condamné en 2008 à un an de prison pour consommation de cannabis. Trois ans plus tard, il écope de quatre ans de détention pour vol et cambriolage. Peine qu’il n’effectuera jamais. Profitant du désordre de la révolution tunisienne, il quitte le pays clandestinement en 2011 pour se rendre en Italie. S’il n’a jamais revu sa famille depuis son départ, il était régulièrement en contact avec eux par téléphone. Dix jours avant l’attentat, il aurait assuré à l’un de ses frères qu’il comptait revenir pour les fêtes.

Quatre ans de prison en Italie. Arrivé à Lampedusa, il se fait passer pour un mineur isolé – alors qu’il a 18 ans – afin de bénéficier de conditions d’accueil plus clémentes. Mais à peine arrivé, il retombe dans la délinquance.Il est arrêté avec des amis pour avoir incendié une école et est condamné à quatre ans de prison. Loin d'être un détenu modèle, il ne bénéficie d'aucune remise de peine. Selon les témoignages de ses frères, c’est lors de son incarcération qu’il aurait commencé à se radicaliser. A sa libération, il passe quelques semaines dans un centre de rétention mais la Tunisie refuse de le reconnaître comme un de ses ressortissants. Il est alors libéré avec ordre de quitter le territoire. Dès juillet 2015, il chemine vers l’Allemagne et dépose une demande d’asile. Celle-ci lui est refusée un an plus tard mais l’histoire se répète : une nouvelle fois, la Tunisie tarde pendant des mois à reconnaître sa nationalité, empêchant ainsi les autorités allemandes de le renvoyer.

Parallèlement, l’activisme religieux du jeune Tunisien est rapidement repéré par les autorités allemandes. Identifié comme "élément dangereux qui menace la sécurité de l'Etat", il vit sous diverses identités et fréquente les milieux islamistes. Il rencontre notamment Ahmad Abdulaziz A., alias Abu Walaa, arrêté en novembre dernier et considéré comme un des piliers de la mouvance djihadiste allemande. Anis A. a également été observé par la police à plusieurs reprises, notamment le soir de l'attentat et quelques jours plus tôt, entrant et sortant d'une mosquée radicale du quartier de Alt-Moabit de Berlin, comme en témoignage les images de vidéosurveillance.

Filatures par la police allemande. Entre mars et septembre, le parquet de Berlin ouvre une enquête à son encontre pour "préparation d'un acte criminel grave représentant un danger pour l'Etat". Malgré les filatures de la police, les investigations n'ont pas "pu confirmer les soupçons initiaux". L'affaire fut donc classée faute d'éléments suffisants et la surveillance d’Anis A. a cessé en septembre. Selon le parquet de Berlin, après ces mois de surveillance constante, rien ne permettait de croire qu'il préparait un attentat. Il considérait plutôt avoir à faire à un adepte de la bagarre et à un petit dealer du Görlitzer Park de Berlin, un espace vert connu des consommateurs de drogues cherchant à s'approvisionner.

L’enquête devra donc s’attacher à mettre en lumière les éventuels ratés des services de renseignements allemands afin notamment de déterminer si Anis A. a pu bénéficier de complicités dans la mise en place de son projet et au cours de sa cavale. Dans une vidéo diffusée ce vendredi par l’agence de propagande de l’Etat islamique, Anis A. revendique son allégeance à l’organisation terroriste et assure vouloir venger les musulmans victimes de "raids aériens".