Agression sexuelle chez les sapeurs-pompiers : "J'ai été complètement détruite"

"On ne peut rien faire, on ne peut rien dire, parce qu'on est une femme chez les sapeurs-pompiers", se désole la victime. Photo d'illustration.
"On ne peut rien faire, on ne peut rien dire, parce qu'on est une femme chez les sapeurs-pompiers", se désole la victime. Photo d'illustration. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
  • Copié
Jihane Bergaoui, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à
Avec la vague #MeToo, la parole des femmes s'est libérée sur le harcèlement et les agressions qu'elles peuvent subir sur leur lieu de travail. L'une de ces victimes, jeune sapeur-pompier, raconte la "descente aux enfers" qu'elle a vécue. Et qu'elle vit toujours.
TÉMOIGNAGE

Aujourd'hui, une femme sur cinq est harcelée sexuellement au cours de sa carrière, selon une étude du Défenseur des droits. C'est le cas de cette jeune femme sapeur-pompier professionnelle, harcelée et agressée par un collègue pendant trois ans, dans un milieu très masculin, sous le regard indifférents d'autres collègues. Trois ans de calvaire, mais aussi trois ans de silence. Aujourd'hui seulement, elle ose en parler publiquement, alors que son agresseur est toujours en poste, que sa hiérarchie n'a selon elle pas réagi. Europe 1 a recueilli son témoignage.

"Aux yeux des gens, le sapeur-pompier, c'est le super-héros du quotidien, c'est la personne qui sort des flammes avec un enfant dans les bras. Mais à aucun moment ils ne peuvent s'imaginer les choses qui se passent dans les casernes. Le matin, au café, je traverse le foyer, ça va être une remarque sur mes seins, une remarque sur mes fesses, c'est 'qu'est-ce que tu portes comme string aujourd'hui', ou 'tiens, aujourd'hui je vais te baiser'. Tous les jours… Ce sont des gestes déplacés, il va venir se positionner contre moi, il me penche la tête en arrière, il me prend par les cheveux… C'était à la vue de tout le monde, et personne ne réagit. 

Europe 1 se mobilise. À l'occasion du premier anniversaire du mouvement #MeToo, la rédaction d'Europe 1 se mobilise toute la semaine

J'ai été agressée sur mon lieu de travail, donc dans ma caserne, mais aussi sur intervention. Il me bloque dans l'ascenseur, me tient des propos plus qu'obscènes et il essaie de m'embrasser alors que je suis en intervention et que ma mission, c'est de porter secours. C'est de l'humiliation au quotidien, et ça devient pesant. Mais on ne peut rien faire, on ne peut rien dire, parce qu'on est une femme chez les sapeurs-pompiers. On nous fait comprendre que ce n'est pas forcément notre place. Se plaindre, c'était montrer ses faiblesses. Je me suis retrouvée emprisonnée dans tout cela. 

>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

Les personnes que j'ai accusées sont toujours en place, car rien n'a été fait en interne. Pour moi, finalement, c'est double, voire triple peine. Aujourd'hui, c'est la descente aux enfers, je ne peux même pas dire que je vis, je survis. J'ai été complètement détruite, je n'ai plus de repères, c'est finalement cette histoire qui tourne en boucle H-24. C'est du manque de sommeil, plus d'appétit, donc forcément, c'est compliqué de gérer sa vie de maman. Et sa vie de femme."