Mort de Rémi Fraisse : les juges délivrent un non-lieu en faveur du gendarme

Depuis 2014, la mort de Rémi Fraisse a fait l'objet de nombreuses manifestations dénonçant une bavure policière (photo d'archives).
Depuis 2014, la mort de Rémi Fraisse a fait l'objet de nombreuses manifestations dénonçant une bavure policière (photo d'archives). © AFP
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avec le service police-justice et AFP , modifié à
"La justice est aux ordres, la raison d'État de deux gouvernements successifs a prévalu", a réagi Jean-Pierre Fraisse, père du militant mort en 2014 à Sivens. La famille va faire appel. 

Les juges chargés de l'instruction sur la mort de Rémi Fraise en 2014 à Sivens, ont rendu lundi une ordonnance de non-lieu, selon des informations révélées mardi par Mediapart  et confirmées par Europe 1. Le manifestant de 21 ans avait succombé à l'explosion d'une grenade tirée par un gendarme lors d'affrontements sur le chantier de la retenue d'eau controversée du Tarn. 

Décision favorable au gendarme. "L'ordonnance de non-lieu était inévitable car personne n'avait été mis en examen (dans cette affaire), donc ce n'est pas réellement une surprise", a indiqué l'avocat du gendarme Me Jean Tamalet."Par ailleurs, le réquisitoire définitif (du parquet de Toulouse) réclamait un non-lieu en insistant sur les fruits de l'instruction qui concluaient à un épouvantable accident", a-t-il ajouté.

"Le procureur rappelait qu'il y avait eu une instruction fouillée, de nombreuses expertises, et que l'emploi de la force avait été proportionné à la situation", et que celui de "la grenade correspondait à l'application des textes" alors en vigueur, selon Me Tamalet "Mon client est soulagé, même s'il continue à vivre avec ce drame", a-t-il souligné. Avec cette décision "il va pouvoir continuer à se reconstruire".

" Tout a été fait par les juges et le parquet pour une instruction à décharge des gendarmes "

"Justice aux ordres". "On s'y attendait. Tout a été fait par les juges et le parquet pour une instruction à décharge des gendarmes", a de son côté lancé Jean-Pierre Fraisse, le père du militant. Selon lui, "de toutes les façons, la décision a été prise à un haut niveau. La justice est aux ordres, point barre". "La raison d'Etat de deux gouvernements successifs a prévalu alors qu'il n'y avait aucune raison puisqu'il y a mort d'homme", s'est-il encore indigné. 

En mars 2016, le maréchal des logis avait été entendu en tant que témoin assisté et n'avait pas été poursuivi. Un rapport de l'Inspection générale de la gendarmerie (IGGN) l'avait déjà blanchi en décembre 2014, estimant que les avertissements nécessaires avaient été effectués avant le tir de la grenade.

"Nous allons faire appel". "La décision des juges est susceptible d'appel. Nous allons faire appel!", a affirmé mardi après-midi l'avocate de la famille, Me Claire Dujardin, soulignant qu'elle était décidée à aller "au bout" de la procédure en France mais qu'elle ne se "fait pas d'illusion". "On sait déjà comment ça va se passer", a-t-elle ajouté, rappelant dans un communiqué que ses "demandes d'acte ont toutes été refusées: absence de reconstitution, d'appel à témoins, d'auditions du préfet du Tarn..."

"Toute personne qui sait lire verra dans le dossier les incohérences, les zones à exploiter, les manquements dans les responsabilités de l'autorité civile. Toute personne découvrira aussi, les contradictions dans les auditions des gendarmes... Les juges ne s'en sont pas saisi !", a-t-elle déploré. L'avocate se dit prête à porter "les faits devant la Cour européenne des Droits de l'Homme" et à demander "à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée".

Le projet abandonné. Trois semaines après la mort du militant écologiste, le gouvernement avait annoncé l'interdiction des grenades offensives à l'origine de ce décès, après avoir suspendu leur utilisation. Le projet de barrage de Sivens a depuis été abandonné, mais un autre, réduit de moitié, est à l'étude. Les zadistes qui occupaient le site en ont été délogés le 6 mars 2015.