Affaire Daval : "face à l'évidence, l'édifice du mensonge ne peut plus tenir"

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Avant d'avouer le meurtre de son épouse, Jonathann Daval a défilé en tête des cérémonies d'hommage pendant trois mois. "Ça n'est pas forcément incompatible", explique une experte psychiatre.
INTERVIEW

 

La dissimulation aura duré près de trois mois. Depuis la fin octobre, Jonathann Daval s'est affiché aux côtés de ses beaux-parents, très ému par le meurtre non élucidé d'Alexia, son épouse. "Elle était ma première supportrice, mon oxygène", déclarait-il au bord des larmes, lors d'une marche blanche en novembre. Mais au terme de minutieuses investigations, l'enquête a brutalement brisé l'unité de la famille éplorée, ces derniers jours : confronté à un faisceau d'indices, le mari a finalement avoué avoir tué Alexia Daval "par accident" puis inventé sa disparition. Avant d'être probablement entraîné dans une spirale de mensonge, selon Geneviève Reichert-Pagnard, psychiatre et victimologue, diplômée en criminologie et auteur de Crimes impunis ou Néonta : Histoire d'un amour manipulé (Ed. Prime fluo).  

D'un point de vue psychologique, comment peut-on expliquer l'attitude de Jonathann Daval après les faits ?

Si on part sur l'hypothèse où c'est bien lui qui l'a tuée, tout a dû s'enchaîner très rapidement. Tout témoigne d'une certaine panique : le corps mal dissimulé et mal brûlé, les restes de drap à l'endroit où on l'a découvert… Il vous dit que sa femme est partie courir à 9h30 et qu'il a appelé la police à 12h30. Or, ça ne concorde pas. Quand un drame se produit, on appelle la police ou un médecin. Mais quand une personne disparaît, on appelle la famille ou les amis, pour les associer aux recherches.

En fait, c'est une réaction d'enfant : pour dissimuler la faute, on fait un peu n'importe quoi, sans réfléchir. Quand on est engagé dans ce mécanisme, c'est très difficile d'en revenir. D'autant plus dans ce cas particulier, où l'attitude des beaux-parents semble très noble, presque froide. On voit les images du beau-père qui tient fermement son gendre par les épaules, presque dans une position de domination. Lui est, à l'inverse, décrit comme timide, un peu inhibé. On peut penser qu'il s'agit de quelqu'un de fragilisé, à la fois par cette personnalité et par l'enchaînement des faits qu'il a commis.

Comment analyser son attitude lors des marches ou des rassemblements lors desquels il est apparu très ému ?

Dans tous les couples, il y a de l'amour et une part plus sombre, plus ou moins importante, de choses qui ne vont pas. En l'occurence, il semble que des disputes assez violentes soient survenues entre Alexia et Jonathann Daval, de manière répétée. Lors de ces marches, on peut estimer qu'une partie de lui est vraiment dans la tristesse de la perte d'une personne qu'il aimait, tandis qu'une autre est dans la dissimulation de cette fin tragique, cet enchaînement qu'il est le seul à connaître. Ce n'est pas forcément incompatible.

À quel moment les aveux deviennent-ils inéluctables ?

Face à l'évidence, l'édifice du mensonge ne peut pas tenir. En l'occurrence, Jonathann Daval a été interpellé et confronté à un faisceau d'indices qui semblait se retourner contre lui, notamment l'expertise du mouchard de sa voiture professionnelle, et il a craqué. Mais ces aveux sont le reflet de sa panique : ces éléments n'auraient probablement pas été aussi nombreux s'il y avait eu une vraie préméditation, une manipulation comme dans l'affaire Dupont-de-Ligonnès, par exemple.