Affaire Bygmalion: ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy

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Caroline Politi , modifié à
Le juge Tournaire reproche à l'ancien président d’avoir sciemment dépassé les comptes de campagne lors de la présidentielle 2012. 

Ce n’est pas en tant qu’avocat, son premier métier, que Nicolas Sarkozy devrait renouer avec les tribunaux. Ce mardi, le juge Serge Tournaire a ordonné son renvoi en procès, ainsi que celui de treize autres personnes, dans l’affaire Bygmalion. L’ancien chef d’Etat est soupçonné d’avoir sciemment dépassé le plafond des dépenses électorales. Il a annoncé, par la voix de son avocat, faire appel. Le point sur le dossier.

Que reproche-t-on à Nicolas Sarkozy ? Dans ce dossier, Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir sciemment dépassé le plafond des dépenses électorales lors de sa campagne présidentielle de 2012. Or la règle est particulièrement stricte : pour garantir l’équité de tous les candidats les comptes de campagne ne doivent pas excéder 22,5 millions d’euros.

Selon le juge Tournaire, l’ancien chef de l’Etat aurait engagé des dépenses supplémentaires – notamment en organisant de nouveaux meetings –alors qu’il ne pouvait ignorer que son budget allait franchir la ligne rouge. Des experts-comptables lui avaient en effet fait passer des notes pour l’alerter sur ce risque dès le 7 mars. Les sommes passées sous silence s’élèveraient à quelque 15 millions d’euros. 

L’ancien chef de l’Etat a toujours contesté ce dérapage. A de nombreuses reprises, il a avancé l’hypothèse selon laquelle cette surfacturation était au profit des dirigeants de Bygmalion, insistant sur leur proximité avec Jean-François Copé. Cette théorie n’avait cependant pas convaincu le juge Tournaire qui l’a mis en examen le 16 février 2016 pour financement illégal de se campagne présidentielle.

Que va-t-il se passer maintenant ? Le renvoi de Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel n’a été signé que par le premier juge saisi dans ce dossier, Serge Tournaire. Le second magistrat, Renaud van Ruymbeke n’a pas signé cette ordonnance. En clair : les deux juges ne partagent pas la même vision du dossier. Le premier estime qu’il y a suffisamment d’éléments à charge contre Nicolas Sarkozy, pas le second.

Cette dissension est une aubaine pour les avocats de Nicolas Sarkozy : elle leur a permis de faire appel de ce renvoi, en vertu de l’article 186-3 du code de procédure pénale. "Ce désaccord manifeste entre ces deux magistrats, co-saisis d'une même information (judiciaire), fait rarissime pour être souligné, illustre l'inanité de cette décision", affirme dans un communiqué Thierry Herzog, l'avocat de l'ancien chef de l'Etat. C'est désormais au trois juges de la chambre de l’instruction de trancher. Et quelle que soit la décision finale, il s’agira de toute évidence d’un argument de poids en cas de procès. 

Qu’est-ce que l’affaire Bygmalion ? Cette affaire tire son nom de la société de communication Bygmalion dont la filière Event and Cie organisait les meetings de campagne de Nicolas Sarkozy lors de la dernière campagne présidentielle de 2012. Dès 2014, l’entreprise est soupçonnée d’avoir mis en place un système de fausses factures et de double comptabilité pour couvrir des dépassements de frais de la campagne de l’ex-président.

Plusieurs cadres de l’entreprise ainsi que Jérôme Lavrilleux, ancien bras-droit de Jean-François Copé à l'UMP et cheville ouvrière des meetings de l'ex-chef de l'Etat en 2012, avaient révélé cette fraude. Au total, outre Nicolas Sarkozy, treize autres protagonistes sont renvoyés des délits de faux ou usage de faux, abus de confiance ou recel, escroquerie ou complicité et complicité de financement illégal de campagne. Parmi eux, d'anciens cadres de l'ex-UMP, comme Eric Cesari, des responsables de la campagne présidentielle, comme son directeur Guillaume Lambert ou Jérôme Lavrilleux, et les responsables de Bygmalion.